Meurtre de Morges (VD): la parole est aux témoins et à l'expert
L'accusé, un double national turco-suisse, comparaît depuis lundi devant le Tribunal pénal fédéral pour l'assassinat d'un Portugais en septembre 2020 (archives).
Photo: KEYSTONE/Linda GraedelAu deuxième jour du procès du ressortissant turco-suisse accusé de l'assassinat d'un Portugais en 2020 à Morges, le Tribunal pénal fédéral a entendu la famille, les témoins et un psychiatre. Celui-ci a conclu à une responsabilité moyennement diminuée du prévenu.
Le témoignage de l'expert était très attendu après les propos confus et contradictoires de l'accusé. Toujours menotté, celui-ci est resté totalement replié sur lui-même durant les dépositions.
L'expert psychiatre a expliqué que l'accusé souffre d'une schizophrénie simple. Il aurait déjà présenté des troubles caractéristiques lorsqu'il a consulté un service de psychiatrie en 2008, à l'âge de 15 ans. 'L'intéressé est porté par sa maladie, il ressent des moments de forte angoisse. Il s'est accroché à l'idéologie radicale de l'Etat islamique pour compenser ces angoisses', a développé le médecin. Dans ce sens, ses convictions doivent être relativisées.
Un certain libre-arbitre
Plusieurs éléments, tels le choix de la victime, la préparation des infractions ou les plans échafaudés, montrent que l'homme disposait tout de même d'un certain libre-arbitre. Ces faits plaident en faveur d'une diminution moyenne, seulement, de sa responsabilité, a conclu l'expert.
L'accusé devrait bénéficier d'une mesure thérapeutique institutionnelle, dans un centre adapté comme Curabilis à Genève. Cependant, celui-ci n'est pas conscient de son trouble psychiatrique. 'Il n'est pas demandeur d'un traitement', a ajouté le spécialiste.
Dans la mesure où une thérapie adaptée réduirait le risque de récidive, le médecin ne s'est pas prononcé sur un internement. Seule une expertise approfondie permettrait d'évaluer les possibilités d'évolution. Les émotions et la sensibilité présentées par le sujet sont cependant considérées comme des points positifs. 'C'est une porte d'entrée pour un traitement', a conclu l'expert.
Propagande auprès des amis
Deux anciens amis du prévenu ont aussi comparu en fin d'après-midi. Ils ont expliqué comment celui-ci leur avait montré des images de violence et de la propagande de l'Etat islamique. L'un d'eux, musulman lui-même, a déclaré avoir été effrayé par 'cette bande de tarés' et pris ses distances.
Musulman de naissance, l'autre ami a vu le prévenu changer. Celui-ci s'est mis à regarder 'des vidéos bizarres', de violence, sur Internet. Il a adopté une attitude plus dure et s'est focalisé sur l'islamisme.
Le film de l'assassinat
Durant la matinée, la cour a entendu l'un des témoins de l'assassinat. Maigre et creusé, cet ami de la victime est apparu encore très affecté deux ans après les faits. Il a expliqué comment, ce soir-là, il avait cédé sa place autour de la table du kebab pour que son copain puisse prendre place à côté de sa copine. Il a vu ensuite quelqu'un s'approcher avec un capuchon rabattu sur la tête et faire un geste.
Le témoin a compris que l'individu avait donné un coup de couteau à son copain. Les autres convives pensaient que c'était un coup de poing. Même la victime n'y croyait pas, jusqu'à ce qu'elle s'effondre. Sur le moment, l'ami n'a pas réalisé qu'il s'agissait d'un acte terroriste.
Après le frère cadet, la maman de la victime, en larmes, a évoqué sa dernière conversation avec son enfant, qui lui a dit 'tout ira bien', lorsqu'il est reparti en Suisse. Interrogé à son tour, le père a évoqué son fils avec beaucoup d'émotion. En venant en Suisse, il voulait avoir une meilleure vie qu'au Portugal. 'Il était tout ce qu'un fils pouvait représenter pour un père.'
Âgé aujourd'hui de 29 ans, le prévenu avait revendiqué son acte au nom de la cause islamiste. Il répond principalement de meurtre et tentative de meurtre, d'assassinat, de lésions corporelles simples, de tentatives d'incendie et d'explosion et de violation de la loi interdisant les groupes 'Al-Qaïda' et 'Etat islamique'.
Le procès se poursuit mercredi avec le réquisitoire du Ministère public de la Confédération et les plaidoiries des parties.
/ATS