Suisse

Moutier: audition des quatre fils accusés de traite d'êtres humains

09.11.2022 09h14

Les prévenus nient être coupables de traite d'êtres humains

Le père et ses fils risquent plusieurs années de prison (Photo d'illustration).

Photo: KEYSTONE/DPA/OLIVER BERG

Après le chef de famille, les fils originaires des Balkans auditionnés mercredi par le tribunal à Moutier ont aussi rejeté les accusations de traite d'êtres humains sur leurs épouses. Leur version diverge totalement de celle des quatre jeunes femmes.

Les quatre fils, âgés entre 26 et 38 ans, doivent répondre à des degrés divers de traite d'êtres humains, de lésions corporelles simples, de viols et pour certains d'entre eux de séquestration et de contrainte. Les faits qui leur sont reprochés se sont déroulés durant une quinzaine d'années dans le Jura bernois.

Devant le tribunal régional Jura bernois-Seeland, ils ont contesté toutes les accusations des victimes présumées. 'Les quatre ont décidé de faire le même discours', a déclaré l'un des prévenus, évoquant les dépositions des quatre jeunes Albanaises qui n'assistaient pas mercredi au 3e jour du procès.

Droit coutumier

Depuis l'ouverture de ce procès qui se penche sur une affaire digne d'un autre temps, il est beaucoup question de droit coutumier médiéval albanais, de traditions ancestrales, ainsi que de l'honneur des hommes au sein de la famille. Lors de leur audition, les quatre jeunes femmes ont affirmé n'avoir eu aucun droit.

Au président Josselin Richard qui l'interrogeait sur des violences physiques, l'un des fils a répondu qu'il n'y 'avait jamais eu cela, que ce n'était pas vrai'. 'La femme et l'homme, c'est égal, ils sont au même niveau, ils ont les mêmes droits', a assuré le prévenu, originaire du Kosovo.

'J'aimais ma femme et je voulais savoir où elle allait pour ne pas m'inquiéter', a expliqué un autre des fils, aujourd'hui divorcé. Il a assuré que les sentiments d'amour étaient partagés même s'il y a eu 'trois ou quatre disputes au maximum'. A l'appui de photos, il a voulu montrer l'image d'une épouse épanouie.

Versions divergentes

Sans surprise, la version des prévenus diffère totalement de celle des quatre parties plaignantes. L'un des fils a déclaré avoir reçu des coups de sa femme, mais qu'il n'avait pas osé en parler, car il se sentait faible et avait honte. 'Je ne dormais pas très bien, car je pensais qu'elle pouvait m'étrangler pendant que je dormais'.

Le chef de famille qui aurait fait venir illégalement en Suisse ces filles des Balkans pour les marier avec ses fils a contesté mardi en bloc les accusations. Ce sexagénaire a assuré n'avoir voulu que le bien de ses belles-filles et a nié toute violence psychologique ou physique.

Graves accusations

Les parties plaignantes ont, pour l'essentiel, tenu les mêmes propos devant le tribunal collégial. Elles auraient été obligées d'accepter le mariage, auraient subi des relations sexuelles contre leur gré, auraient été menacées et contraintes de rompre leurs liens avec l'extérieur. Les quatre jeunes Albanaises ont dit toujours vivre dans la crainte de leur belle-famille.

Selon l'acte d'accusation, le père expliquait à ses quatre fils qu'il fallait faire preuve de violence avec les épouses si elles ne leur obéissaient pas ou si elles refusaient d'entretenir des relations sexuelles. Pour le Ministère public du Jura bernois, les prévenus ont fait régner un climat de terreur.

Par peur de mourir, les quatre jeunes femmes auraient été incapables de fuir pendant plusieurs années. C'est en 2019 que ces épouses ont réussi à s'enfuir et ont porté plainte, selon l'acte d'accusation. Le verdict est prévu le 24 novembre.

/ATS