Suisse

Redéfinition du viol: le Parlement a entériné sa révision du droit pénal

23.06.2023 17h59 Lucie Hainaut

Berne Palais fédéral Berne Palais fédéral

Vendredi passé, le Parlement a adopté la révision du droit pénal en matière sexuelle: après un an de débat, le Conseil national et le Conseil des États se sont mis d’accord sur le principe du «non c’est non». La modification de la loi prévoit plusieurs évolutions, elles impacteront fortement le traitement judiciaire des infractions sexuelles. 

Berne actualise sa définition du viol: les deux chambres se sont mises d’accord sur plusieurs modifications. «Le changement fondamental, c’est que l’exigence de l’emploi d’un moyen de contrainte pour l’infraction de viol disparaît avec cette révision. Si aujourd’hui la victime dit "non je ne veux pas", l’auteur le fait quand même et qu’elle ne se débat pas ce n’est pas un viol. Si demain la victime dit "non je ne veux pas" l’auteur le fait quand même, ce sera un viol» détaille la Dr Katia Villard, professeure associée au département de droit pénal de l’UNIGE. Ce changement est capital selon l’avocate Lorella Bertani. Elle est spécialisée dans la défense de victimes d’agressions sexuelles: «On pourra supprimer cette culpabilité que certaines ressentent à me dire "je n’ai pas réussi à me défendre". On va pouvoir beaucoup les déculpabiliser en leur disant "il faut juste que nous démontrions que vous avez dit non, que ce non a été entendu"» explique la pénaliste.

La Suisse, mauvaise élève?

Autre évolution, et non des moindres: la redéfinition du viol. Jusqu’ici, seule la pénétration pénis-vagin était prise en compte. Toute autre forme de pénétration, qu’elle soit anale ou orale, était considérée comme une contrainte sexuelle. La modification de loi englobe ces agressions dans la définition du viol: «Nous sommes le dernier pays européen qui considère encore qu’un acte de pénétration oral ou anal n’est pas un viol. Donc aujourd’hui il s’agit de faire en sorte que la Suisse ait les mêmes règles que les autres pays européens» martèle Lorella Bertani.

Une notion de poids sur le plan symbolique

Cette réforme permettra à des personnes d’être reconnues comme victimes de viol. La notion est beaucoup plus forte sur le plan symbolique que celle de contrainte sexuelle: «Jusque-là je devais expliquer à de jeunes hommes, des adolescents que ce qu’ils avaient subi n’était pas un viol alors que selon la définition européenne c’en était un. Je pourrai bientôt leur dire que c’est bien un viol et cela, symboliquement et juridiquement mais aussi du point de vue de la peine et de la culpabilité, c’est totalement différent» détaille l’avocate. Ce changement aura des répercussions concrètes au moment de fixer les peines: «Pour la contrainte sexuelle, la peine plafond est la même que le viol: 10 ans. En revanche la peine plancher est beaucoup plus basse, c’est une peine pécuniaire alors que le viol c’est un an. Le fait qu’on ait une peine plancher plus basse crée une aspiration vers le bas» explique Katia Villard.

Ces modifications du droit pénal ne seront pas effectives immédiatement. Maintenant que le Parlement s’est mis d’accord sur cette réforme, il faut attendre la fin du délai référendaire. La date d’entrée en vigueur de ces changements n’est pas encore connue.