Un spectacle annulé à Genève car les comédiens n'ont pas obtenu leur visa
FGC
Le vendredi 10 novembre, l’association Omoana et ses bénéficiaires, de jeunes Ougandais, auraient dû présenter un spectacle au Palladium. Mais l’administration en a décidé autrement: les jeunes n’ont pas obtenu de visa pour entrer en Suisse. Plusieurs associations déplorent des difficultés de plus en plus importantes pour inviter des artistes ou des spécialistes d’Afrique dans notre pays.
Tout était prêt: les affiches, la bande-annonce… Résilience est un spectacle monté par six Ougandais, ils racontent leur parcours de vie de jeunes nés avec le VIH. Ils devaient se produire à Bulle et à Genève, avec l’association Omoana. Mais le spectacle a dû être annulé: l’ambassade de Suisse à Nairobi a refusé les demandes de visa. Dans le courrier que nous nous sommes procuré, elle invoque trois raisons:
Un manque de justificatifs prouvant qu’Omoana allait couvrir leurs frais sur place
Des doutes quant à leurs intentions de quitter le territoire de la Suisse à l’expiration du visa
Et un séjour en Suisse pas suffisamment motivé
Des explications que le directeur d’Omoana conteste: «L’invitation était signée par cinq institutions et il y avait un programme très précis sur le déroulé de leur séjour ici. On a l’impression que c’est des excuses généralistes pour ne prendre aucun risque, de peur que ces jeunes restent dans notre pays et que la collectivité doive les prendre en charge» déplore Adrien Genoud. Il l’assure, ces jeunes n’avaient aucune intention de rester en Suisse: «Nous les connaissons, ce sont des jeunes qui sont mentors pour d’autres jeunes séropositifs, ils sont engagés dans leur communauté avec du charisme, des responsabilités… On les a choisis pour cela aussi. Et donc nous savons très bien qu’ils retourneraient dans leur pays» affirme le directeur d’Omoana.
«Je pense que derrière il y a aussi un racisme institutionnel»
Ce refus n’étonne pas Mélanie Rouquier: elle est la directrice de l’association shap shap, qui monte des projets culturels avec des artistes d’Afrique et d’Amérique latine. Elle rencontre elle aussi de grandes difficultés pour faire venir des artistes africains: «Je pense que derrière il y a aussi un racisme institutionnel qui est au-delà des artistes, c’est à dire qu’il y a des réactions sur les personnes originaires d’Afrique. On part du principe que les Africains veulent rester en Europe. Du point de vue des artistes, on n’est pas du tout là. Les artistes circulent, ils ont envie de collaborer avec d’autres artistes, en Europe et ailleurs, de faire leurs projets…» soupire-t-elle.
«Chaque demande de visa est examinée au cas par cas»
Contacté, le Secrétariat d’État aux migrations conteste l’accusation de racisme. Il rétorque: «Les bases légales en matière de visas sont en principe les mêmes pour toutes les régions du monde. Chaque demande de visa est examinée au cas par cas en tenant compte, entre autres, de la situation financière, professionnelle et familiale de la personne concernée. La situation politique et économique régnant dans le pays de provenance est également prise en compte». Le Secrétariat d’État estime par ailleurs que certains profils ont plus de probabilité de rester en Suisse: il cite les jeunes adultes célibataires et sans enfants en provenance de pays confrontés à une situation difficile.
C’est en tous les cas une grande déception pour les six comédiens ougandais. Entre-temps, ils ont décidé de tourner des scènes du spectacle sous forme de capsules vidéo, pour pouvoir tout de même raconter leur histoire.