Genève

Féminicide de Chêne-Bourg: deux histoires qui ne se croisent pas

23.02.2022 20h06 Julie Zaugg

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Le tribunal criminel juge en ce moment un jeune homme de 25 ans. Il est suspecté d’avoir tué sa compagne de 20 ans, en 2019. Lui, clame son innocence et maintient qu’il s’agit d’un suicide. Le ministère public ne croit pas à cette thèse et a formulé un réquisitoire sévère ce mercredi 23 février.

Le procureur Clément Emery a requis 18 ans de prison ferme pour menaces et meurtre avec circonstances aggravantes de l’assassinat. Lors de son réquisitoire, le ministère public a retracé méticuleusement et chronologiquement cette journée du 17 décembre 2019 jusqu’au drame, dans la nuit. Il a pointé du doigt les incohérences entre les faits et la version du prévenu. «Il nie des éléments évidents et des constatations techniques» a-t-il estimé.

Il parle aussi du comportement de ce dernier, qui n’a appelé les secours qu’une heure après le coup de couteau fatal. Il a d’abord appelé sa sœur durant 5 minutes. Cinq minutes durant lesquelles, le procureur en est persuadé, le prévenu a forcément fait des aveux. Est-ce le cas ou non, nous ne le saurons jamais. Le ministère public a ainsi mis en avant la mauvaise collaboration du prévenu, son absence de prise de conscience ou de remords.

Des facteurs évidemment aggravants, que relèvent aussi les avocats de la partie plaignante. «La pratique de l’esquive de ce jeune homme est impressionnante» disait Me Yaël Hayat ce matin. Mais elle en est sûre, ce crime est imparfait. «Vous avez la boîte noire de ce crash» maintenait-elle devant la présidente du tribunal. Que ce soit les messages, les captures d’écrans envoyées, effacés ou encore les dires des proches de la jeune femme décédée. Elle qui était «à l’aube d’une liberté retrouvée» d’après ses avocats, avec un nouvel emploi en poche et l’intention de quitter le prévenu.

Une jeune femme se sentant très seule

Pour la défense, la relation de ce jeune couple est à prendre avec des pincettes et «ne ressemble pas ce que l’on veut nous faire croire». C’est la jeune femme qui aurait eu une emprise sur le prévenu et non l’inverse, «C’est elle qui portait la culotte» a déclaré Me Catarina Monteiro Santos. Elle expliquait cet après-midi, qu’à force de vouloir trouver un coupable, on en oublie de s’interroger sur l’état de santé mental de la victime et sur ses liens avec sa famille.

On nous a alors dépeint le portrait d’une jeune femme se sentant très seule, pas soutenue dans ses choix et qui avait des insécurités sur fond d’idées noires. La défense est toujours à pied d’œuvre derrière moi pour faire entendre au tribunal la thèse du suicide de cette femme. Les trois avocats plaideront environ 6heures au total et demanderont l’acquittement de leur client. Le verdict devrait être rendu en fin de semaine.