Genève

La loi sur le salaire minimum impacte aussi les stages

21.03.2022 19h23 Lucie Hainaut

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Faire un stage non-rémunéré à la fin de ses études, pour acquérir une première expérience professionnelle: depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le salaire minimum, ce n’est plus possible, il faut désormais une convention de stage. Sans ce sésame, les entreprises n’ont pas le droit d’engager quelqu’un en-dessous de 23 francs de l’heure. Si ce changement semble positif, certains déplorent des retombées inattendues. 

Camille est stagiaire à la Fondation Eduki, une organisation qui fait découvrir aux jeunes le travail des institutions internationales. Si ce stage lui plaît beaucoup, il a bien failli lui filer entre les doigts: «J’ai dû batailler pour obtenir ce stage, parce que j’étais arrivée à la fin de mes études et j’ai été exmatriculée de l’université. Il fallait avoir une convention tripartite donc un accord avec l’université, ce qui n’a pas été possible. J’ai aussi essayé de me réinscrire ailleurs, mais ça n’a pas marché non plus» raconte-t-elle.

Une convention devenue incontournable

La loi sur le salaire minimum est entrée en vigueur le 1er novembre 2020. Depuis, les employeurs n’ont plus l’autorisation d’engager des personnes en-dessous de 23 francs de l’heure sauf exceptions, comme les stages conventionnés: «Sont exclus de l’application du salaire minimum des stages d’insertion, de réinsertion, et de formation. Donc ces stages-là continuent à être faits et ils peuvent ne pas être rémunérés, ou être rémunérés en-dessous du salaire minimum» détaille Christina Stoll, Directrice générale de l’Office cantonal de l'inspection et des relations de travail (OCIRT). Les étudiants qui souhaitent faire un stage doivent donc demander une convention à l’université. Pour les jeunes diplômés, il faut obtenir une attestation certifiant que le stage est utile pour une formation future, comme un Master ou un certificat. 

Le salaire minimum pour tous, y compris les organisations bénévoles

Autre domaine, même problème: la Course de l’Escalade engage chaque année des stagiaires – pour la plupart des étudiants ou des jeunes diplômés en management du sport. Mais depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le salaire minimum, le Comité a dû augmenter les rémunérations des stagiaires, et réduire leur nombre: «En ce qui nous concerne, nous sommes pour la plupart bénévoles à la Course de l’escalade, nous avons 3 salariés fixes. Et pour prêter main forte à cette période, nous engagions des stagiaires. De facto, nous engageons moins de stagiaires dorénavant pour rentrer dans nos chiffres, et pouvoir assumer ces montants».

Des retombées positives pour le salaire minimum

L’initiative pour le salaire minimum a été lancée par les syndicats. Joël Varone, secrétaire de la Communauté Genevoise d’Action Syndicale (CGAS) défend l’application de cette loi, y compris pour les stages: «On est contre cette conception du monde du travail qui voudrait qu’en vue d’avoir enfin un emploi stable, on doive d’abord passer par un stage, puis par un premier emploi, avant d’avoir enfin un emploi correctement rémunéré. C’est un monde de création de précarité contre lequel on s’oppose». S’il est actuellement trop tôt pour des études chiffrées, la directrice de l’OCIRT tire déjà un premier bilan positif: «Pour l’instant on n’a pas d’indice qui laisseraient penser que cette loi a provoqué des difficultés plus grandes pour les jeunes pour accéder au marché du travail, au contraire : elle protège les jeunes de situations abusives». Une étude menée par la HEG est en cours. Elle tente d’évaluer les effets du salaire minimum à Genève. Elle sera publiée l’année prochaine.

«Une réalité qui existait déjà avant»

Pour Stéphanie Ruegsegger, directrice générale de la FER Genève, nous donne son point de vue sur le salaire minimum pour les stagiaires.

«À Genève, la situation n’est pas nouvelle. On devait déjà payer les gens qui ne rentraient pas dans un cursus de formation reconnue. Le salaire minimum a peut-être augmenté certains standards, mais c’était une réalité qui existait déjà avant.» Elle explique que plusieurs entreprises refusent de prendre des stagiaires à cause du salaire minimum. 

La situation pourrait-elle changer? «Avant le salaire minimum, le système de fixation des salaires fonctionnait très bien. On a quand même les salaires parmi les plus élevés au monde. Alors le salaire minimum va poser des problèmes à certaines catégories, dont les jeunes. Alors, soit les jeunes rentrent dans un organisme de formation reconnu, soit ce n’est pas le cas et un stage devient un premier emploi.