Genève

Quand les maux des musiciens sont tus

13.10.2021 17h53 Céline Argento

musiciens

La musique classique enchante les esprits, comme si tout était naturel. Mais elle demande pour cela une intense rigueur aux musiciens, qui répètent des heures durant pour atteindre la perfection. L'usure physique est souvent tue mais bien présente dans ce milieu très concurrentiel. La prévention est pourtant peu répandue

Soir de concert au Bâtiment des Forces Motrices. Parmi les musiciens, le violoniste Marc Liardon. En 2006, alors qu'il est déjà professionnel, il perd une partie de son ouïe: «Un jour, je suis dans mon salon. Et j’entends quelque chose qui se referme dans mon oreille». Il enchaîne alors les séances d’ostéopathie et d’ORL, mais ne dit surtout rien à personne: «Je souffrais en silence si l’on veut. Parce que dire que l’on entend pas pour un musicien c’est un peu fort quoi…»

Silence autour du corps 

La situation de Marc Liardon n’est pas unique. Dans un milieu très concurrentiel, un défaut de santé est souvent tu, même chez les plus jeunes. Vérane est arrivée au terme de deux ans de rééducation, à cause d’une dystonie de fonction, appelée crampe du musicien: «Quand je suis arrivée à la Haute Ecole de Musique de Genève, je me suis mise la pression. Je voulais renforcer ma main gauche au piano et j’ai travaillé en force. Elle a fini par me lâcher. On ne parle jamais du corps ! On ne parle que des doigts». La thérapeute Aude hauser-Mottier comptait 2% de musiciens avec ce mal dans les années 50, 16% aujourd’hui. 

Hoaran travaille quatre à cinq heures par jour à la clarinette. Depuis quelques mois, il souffre d'un problème à la main: «Le programme est déjà difficile. Et en plus, je me lève chaque matin en me disant que ma main ne marche pas. C’est difficile car on compte là dessus pour notre avenir». 

Cours peu adaptés

Certains étudiants, comme Barbara, estiment que les écoles devraient mieux former sur les postures: «Nous avons des cours corporels mais c’est pour tout le monde et non propre à chaque musiciens». Au conservatoire de Genève, certains cours sont dispensés. Le professeur de cors, Pierre Burnet donne des techniques à ses élèves. Mais il estime qu’il faudra encore dix ou vingt ans avant que ce mouvement dans les écoles ne soit bien installé. 

Prévenir le mal et admettre les maux. Ou comment enchanter la musique encore davantage, par la santé du musicien.