Genève

Le Léman n'a plus connu de brassage complet en 10 ans

29.03.2022 18h18 Lucie Hainaut

lac Léman lac Léman

Pour la dixième année consécutive, le lac Léman n’a pas effectué de brassage complet. Autrement dit, les eaux de surface ne se sont pas mélangées avec les eaux de profondeur. La situation inquiète les scientifiques, car elle n’est pas sans conséquence.

Chaque année, les chercheurs de la station d’hydrobiologie lacustre à Thonon mesurent la profondeur de brassage du lac Léman. Pour l’hiver 2021-2022, ils l’estiment à 130 mètres, alors que le fond du lac est à 309 mètres. Afin de connaître la profondeur à laquelle le brassage hivernal s’effectue, les scientifiques mesurent deux facteurs: la température, et la concentration en oxygène: «Les mesures de température sont réalisées avec une sonde multiparamétrique. C’est une sonde qu’on immerge dans l’eau et qu’on descend progressivement. La sonde nous donne la température de l’eau a toutes les profondeurs rencontrées. Elle nous donne aussi des informations sur la concentration de l’oxygène à différentes profondeurs» explique Orlane Anneville, chercheuse à l’INRAE Thonon.

Le fond du lac manque d’oxygène

Sur les 179 mètres les plus profonds, l’eau n’est donc pas remontée à la surface. En cause: un hiver trop doux qui n’a pas suffisamment refroidi les eaux de surface, et qui a empêché le brassage des eaux. Cette situation entraîne plusieurs conséquences néfastes: «Tout ce qui est en-dessous de 130 mètres jusqu’à 309 mètres de profondeur, n’a pas eu d’apport d’oxygène. Donc on constate avec les années une diminution de la concentration de l’oxygène dans les couches profondes et notamment tout au fond du lac, à 309 mètres. Là on manque clairement d’oxygène» constate Audrey Klein, Secrétaire générale de la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL).

Un manque d’oxygène qui impacterait la biodiversité

Il est aujourd’hui difficile de connaître l’impact du manque d’oxygène sur la biodiversité. La CIPEL émet plusieurs hypothèses: il augmenterait la mortalité des jeunes poissons, et influencerait l’éclosion des œufs. Mais pour confirmer ces hypothèses, il faudrait effectuer plus de mesures: «Il faudrait différents points de mesure dans le lac qui nous permettraient de connaître la concentration en oxygènes des sédiments à 100m, 200m, là où on a davantage d’organismes vivants notamment des poissons, qui peuvent pondre leurs œufs jusqu’à 100m de profondeur» déplore Audrey Klein.

Sans brassage complet, le phosphore s’accumule en profondeur

Mais ce n’est pas tout: l’absence de brassage augmente la concentration de phosphore au fond du lac. Lors du prochain brassage complet des eaux du Léman, le phosphore remonté à la surface pourrait favoriser la prolifération d’algues en surface. Pour limiter la concentration de phosphores, il faut améliorer l’assainissement des eaux dans les stations d’épuration. Et espérer que le prochain brassage complet ait lieu bientôt.