Genève

Guerre et réseaux sociaux, deux mondes entremêlés

31.03.2022 17h48 Julie Zaugg

TikTok

Une singularité dans le conflit russo-ukrainien : la quantité faramineuse d’images, de vidéos, de documentation mises en ligne par des journalistes mais aussi par des gouvernements ou des citoyens lambda. Jamais a-t-on vu autant de contenu depuis le terrain, sur Twitter par exemple. Guerre et réseaux sociaux. Ces deux mondes sont de plus en plus étroitement liés, avec pour enjeux ceux de l’opinion et de l’émotion. Mais gare à la désinformation. 

Vidéos, photos, messages d’information ou de propagande… les nouvelles du front passent aujourd’hui en grande partie par les réseaux sociaux. Des outils propre à la démocratie, mais qui peuvent être à double tranchant. Surtout en temps de guerre. 

« Cela peut créer une prise de conscience, mais en même temps on ne sait pas si cela va avoir un impact et mobiliser pour autant», détaille Laura Sibony, auteure et spécialiste en réseaux sociaux à Paris. 

Enjeu majeur: gagner les cœurs et les esprits. Fédérer autour d’un même camp. Comme avec cette video choc, d’un réalisateur français prônant la fermeture de l’espace aérien en Ukraine, où l’on voit Paris sous les bombes au même titre que Kiev. Une vidéo que l’ambassade de Russie en France s’est empressée de retweeter, criant à la manipulation de la part du gouvernement ukrainien. « Evidemment, l'impact de la vidéo dépend de celui qui la reçoit», analyse Laura Sibony. 

Une arme de plus?

Les réseaux sociaux créent ainsi une zone de bataille parallèle où l’image et la vidéo jouent un rôle prépondérant. Jean-Marc Rickli, directeur des risques globaux et émergents au Geneva Center for Security Policy nous l'explique: « L'idée c'est de créer un narratif qui va soutenir votre effort de guerre, on le voit avec Zelensky qui, a chaque intervention auprès de parlements nationaux, fait une référence historique pour que l'Etat en question puisse s'identifier... et sur les réseaux sociaux ce narratif est très important pour remporter la bataille de l'information». 

Se mettre en scène. Documenter, en tout temps. Montrer toujours plus, quitte à violer les règles de la guerre selon la Convention de Genève, comme celle de ne pas diffuser l’images de prisonniers. Autre travers propres à ces outils, la fonctionnalité de géolocalisation qui peut là encore être un allié ou un ennemi… comme elle l’a été pour des soldats russes, dont la position a été trahie par leur application de rencontre, Tinder. 

Outre les dommages d’ordre stratégique et militaire, c’est surtout la véracité des faits qui est ici mise à mal par la pléthore de matière et d’information en ligne. « Le gros travail, c'est de pouvoir filtrer cette information», nous dit Jean-Marc Rickli. Et Laura Sibony de renchérir: « On ne sait plus qui croire dans un espace où l'on ne fait plus la différence entre le vraisemblable et le vrai». 

D’où la nécessité pour l’auteure d’un cadre éthique autour des réseaux sociaux. Et de vérifications toujours plus poussée de la part des journalistes.