Genève

Utiliser nos mâchefers dans la construction, est-ce possible ?

11.05.2022 17h28 Céline Argento

mâchefers

Depuis plusieurs années, la question des mâchefers (résidus de déchets non brûlés par les fours) pose problème à Genève. La décharge de Bernex, utilisée pendant vingt ans, est saturée. Une nouvelle doit être construite, rencontrant de fortes oppositions. Mais serait-il possible de trouver des alternatives ? Par exemple, d'utiliser ces gravats dans la construction ? Notre enquête. 

À Bellegarde, à l’usine d’incinération Sivalor en France voisine, les résidus de déchets (mâchefer) ont la même apparence que ceux produits à Genève: grisâtres, et contenant encore des morceaux de verre, de porcelaine, de métaux. En France, ce gravât est utilisé en sous-couche sous les routes. «Cela évite d'aller prendre du sable ou du gravier dans les carrières ou les rivières, je trouve ça meilleur» explique le président de Sivalor Serge Ronzon. Une bonne idée aussi pour écouler le mâchefer même si les risques à long terme peuvent exister selon Pierre-Alain Wülser, géochimiste genevois: «Ces mâchefers peuvent charier des métaux à échéance de plusieurs années et contaminer l'environnement, même s'ils sont stables actuellement». 

Nos déchets sous les routes françaises ?

En France des vérifications strictes sont pourtant inscrites dans la loi. Des tests sont faits par lixiviation, c’est à dire en regardant si des traces de métaux ou substances s’échappent avec de l’eau. En Suisse, la pratique a été interdite pour respect de l’environnement. Tout part en décharge sécurisée avec traitement des eaux. Mais à Genève, la décharge déborde et il faut en construire une nouvelle. Pourrait-on donc envoyer nos propres mâchefers en France voisine pour les placer sous les routes ? Théoriquement oui, au vu de la qualité similaire de nos déchets. Nous pourrions donc faire mettre nos mâchefers sous les routes françaises si nos voisins étaient d'accord. Et seulement si la Confédération l'autorisait: «Une exportation pourrait être autorisée dans le cadre d’une collaboration régionale transfrontière pour autant que cette démarche ne soit pas utilisée pour contourner le droit suisse.» Il semble donc impossible d'avoir cette pratique. 

Mais ironie du dossier, il est possible de renvoyer les mâchefers de déchets français brûlés dans notre canton. Par exemple à Genève, les Cheneviers incinèrent 20'000 tonnes de déchets français par année. La loi autorise le renvoi de 25% de ce tonnage en France. Genève entend bien y parvenir dans les prochaines années, en signant un accord avec nos voisins. Cela enlèverait 5'000 tonnes de mâchefers sur les 40'000 genevois annuels.

Un déchet valorisé 

Autre solution possible, utiliser nos mâchefers pour en faire du béton par exemple. Malgré la recherche qui avance à Genève, il reste encore trop de métaux dans matériau pour l’autoriser. Il faut respecter les normes de la loi suisse. Des usines permettent de tendre vers cela, en retirant davantage de métaux, comme à Zurich, notamment le cuivre, l'aluminium ou même l’or. 

Il reste donc une grande part de progression dans le retrait des métaux pour la construction mais la Confédération n’est pas fermée à l’idée. Sur l'enfouissement routier, le dossier semble être vérouillé.