Genève

Justice : Classement de l'affaire Bouvier annulé - Renvoi au Ministère public

28.07.2022 17h53 Philippe Verdier

Bouvier

La Cour de justice genevoise a annulé le classement de la procédure ouverte suite à la plainte de Dmitri Rybolovlev à l'encontre du marchand d'art genevois Yves Bouvier, dans une affaire de vente de tableaux de collection. La cause est renvoyée au Ministère public qui doit reprendre l'instruction de l'affaire, ont annoncé jeudi les avocats du milliardaire russe.

Les avocats des sociétés liées aux trusts familiaux de Dmitri Rybolovlev ont pris connaissance avec satisfaction de l’arrêt rendu par la Chambre pénale de recours. Le recours de leurs mandants est admis, indiquent-ils dans leur communiqué.

La justice annule le classement, notifié le 15 septembre 2021, de la procédure pénale diligentée contre Yves Bouvier et Tania Rappo, accusés notamment d'escroquerie par métier, d’abus de confiance et de blanchiment d’argent aggravé. Elle renvoie le dossier au Ministère public pour qu’il reprenne l’instruction à l’encontre des prévenus.

Intérêt public perdurant

Dans son arrêt, la Cour rejette chacun des motifs invoqués par le Ministère public et Yves Bouvier pour classer la procédure. A savoir, un empêchement de procéder du fait de la procédure monégasque, l’acquittement prévisible d’Yves Bouvier compte tenu de la procédure monégasque, l’absence d’intérêt public à poursuivre l’affaire et l’absence des infractions alléguées, résume le communiqué.

La Cour rejette les liens avec la procédure monégasque et confirme que la procédure genevoise a été menée conformément aux exigences de l’article 6 de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Elle ajoute que l'intérêt public à la poursuite perdure au vu du dommage subi approchant le milliard de francs suisses.

"Cet arrêt démontre la vacuité de la défense d’Yves Bouvier et l’inanité de ses déclarations fantaisistes", ont déclaré Me Sandrine Giroud et Me Benoît Mauron, cités dans le communiqué. "Nos mandants attendent sereinement la suite de la procédure et sont convaincus que la responsabilité criminelle d’Yves Bouvier et de ses acolytes sera promptement établie."

Dossier très amoché

"La Cour a considéré qu'il fallait compléter l'instruction. Mais c'est un dossier très amoché dont le procureur Yves Bertossa devra se saisir", a commenté Me David Bitton, avocat d'Yves Bouvier. "L'affaire qui remonte à 2007-2008 est très ancienne. Un certain nombre de pièces sont nulles et une grande partie des faits reprochés prescrits", a-t-il relevé.

"M. Bouvier souhaite que la procédure avance", a poursuivi l'avocat, rappelant que, depuis 2015, M. Rybolovlev a déjà perdu les neuf actions en justice intentées contre le marchand d'art dans diverses juridictions, de Singapour à Hong Kong, en passant par New York et Monaco. "Nous allons examiner la possibilité de recourir au Tribunal fédéral, mais ce n'est pas certain, s'agissant de cette décision procédurale", conclut-il.

Un milliard de francs

La guerre entre Dmitri Rybolovlev et Yves Bouvier a commencé en 2015. Avant cet épisode, le magnat russe qui a fait fortune dans le commerce de la potasse et le marchand d'art s'étaient liés d'amitié. Ils avaient été présentés par une amie commune, la Bulgare Tania Rappo, marraine de l’une des filles du milliardaire.

Dmitri Rybolovlev, patron de l'AS Monaco, affirme s'être fait déposséder d'un milliard de francs par Yves Bouvier. Le magnat russe avait donné mandat au marchand d'art de lui trouver des tableaux rares, moyennant une rétribution de 2% de leur prix d’achat. Il lui a ensuite reproché d'avoir surfacturé les œuvres de grands maîtres qu'il avait achetées par son entremise. Une quarantaine d'œuvres seraient concernées, dont Le Christ comme Salvator Mundi, attribué à Léonard de Vinci.

Le Genevois aurait, au passage, payé de manière occulte près de 100 millions de francs suisses à Tania Rappo afin de conserver la confiance de Dmitri Rybolovlev et de son entourage, soulignent les avocats du milliardaire.

D'autres motifs

Pour Yves Bouvier, en revanche, les attaques dont il a fait l'objet de la part de Dmitri Rybolovlev n'ont rien à voir avec la vente d'objets d'art. Selon le marchand genevois, le divorce du milliardaire russe, en 2015, aurait notamment poussé ce dernier à s'en prendre à lui. Dmitri Rybolovlev, qui a été condamné dans le "divorce le plus cher de l'histoire", selon les termes d'Yves Bouvier, voulait déprécier la valeur de sa collection d'art.