Genève

L’ancienne directrice du foyer de Mancy sort du silence

02.09.2022 10h38 Rédaction

Laurence Farge parle pour la première fois. Dans un entretien accordé à Heidi.news, elle décrit un foyer aux mains d’un groupe d’éducateurs dysfonctionnels, aidés par les syndicats, qui finiront par avoir sa peau. Elle se dit lâchée par le département après avoir tenté de mettre de l’ordre. 

Le témoignage de Laurence Farge jette une lumière nouvelle sur le scandale du foyer pour enfants autistes de Mancy. À la tête de l’institution de 2020 à 2021, la directrice est brutalement licenciée en août 2021 par l’État suite à un audit décrit comme douteux commandé avant que n’éclate publiquement l’affaire.

À ce moment, les maltraitances sont déjà connues du département et contenues dans un rapport interne établi entre janvier et mars 2021 par Sandra Capeder, directrice de l’office (OMP) qui chapeaute le foyer. Cette dernière finira également par être suspendue.

«Les éducateurs ayant des choses à se reprocher voulaient se débarrasser de moi»

À son arrivée au foyer en 2020, Laurence Farge parle à Heidi.news d’un «noyau dur de cinq ou six personnes qui s’octroyaient tout pouvoir». Pas satisfaite des méthodes en place et témoin de «violences par négligence», qu’elle raconte par le menu détail, elle tente de changer les choses, en vain. 

Elle dit aussi découvrir des «erreurs» dans le calcul des heures de travail par les éducateurs, à leur avantage, notamment durant les nuits. Enfin, elle trouve un disque dur dans lequel sont consignés les épisodes de maltraitances survenus avant son arrivée. 

Quelques jours plus tard, elle en parle à sa supérieure, Sandra Capeder, qui lui demande de saisir le disque. Stupeur, les données ont été effacées entre-temps. Le matériel est envoyé aux Pays-Bas dans une entreprise spécialisée et une partie du contenu est sauvé. Il permettra de nourrir le rapport interne de la directrice de l’OMP sur les maltraitances, rendu le 29 mars 2021.

«Les éducateurs fixes se sont entendus pour dire tous la même chose lors de l’audit»

La situation se complique alors pour Laurence Farge, dans le viseur des éducateurs incriminés. Un mail anonyme, envoyé depuis le foyer, est adressé à la tête du DIP. «J’y étais décrite comme un monstre, on m’accusait de tenir des propos vulgaires et sexistes», témoigne-t-elle.

Convoquée pour s’expliquer, elle se dit soutenue par sa cheffe. «Elle a compris les enjeux de pouvoir qui se jouaient dans ce foyer. Mais à ma connaissance elle a été bloquée systématiquement par sa hiérarchie concernant toute démarche à l’égard des personnes maltraitantes».  

La directrice du foyer et l’OMP s’accordent pour déplacer, en deux temps, les éducateurs fixes du foyer. Une démarche possible, selon elles, qu’après le bouclage du rapport sur les maltraitances et l’organisation d’entretiens de service. Mais en avril 2021, le département choisit de commander un audit, après l’intervention des syndicats décrivant le «management dictatorial» de Laurence Farge. 

L’ancienne directrice du foyer explique à Heidi.news que, d’entente avec les syndicats, les éducateurs fixes ont planché sur un récit des faits à charge contre sa personne. 

«Pour moi, un choix politique a été fait, celui de croire des éducateurs maltraitants, qui en plus n’ont jamais eu d’entretien de service»

Le 1er septembre 2021, elle est remerciée par le département. L’audit conclut que «la situation entre elle et les équipes est irrémédiable». Elle s’en étonne: «À la fin juin, j’avais embauché une nouvelle équipe. Les personnes avec qui ça ne marchait pas n’étaient plus là». Les conclusions de l’audit ont aussi de quoi surprendre: «À aucun moment l’audit ne parle de maltraitances, alors qu’on est plusieurs à les avoir détaillées aux auditeurs», explique Laurence Farge.

RETOUR SUR L’EMPOISONNEMENT

En poste au foyer lorsqu’une enfant est empoisonnée au Temesta, Laurence Farge confirme à Heidi.news que ce médicament ne faisait pas partie du traitement de la pensionnaire. Elle complète: «impossible qu’elle se soit servie seule. Elle n’avait pas la mobilité des mains nécessaires et les tiroirs étaient fermés à clé». Enfin: «En l’absence d’infirmiers, ce sont les éducateurs qui géraient les médicaments.»

Dans le cadre d'une enquête pénale ouverte bien plus tard par le ministère public, quatre personnes ont été interpellées par la police. Elles restent présumées innocentes. La justice poursuit son travail.