Genève

«On s’endette!» Un chauffeur de MITC dénonce la précarité des salariés

11.10.2022 17h31 Delphine Palma

uber

Uber. Le sujet fait la Une depuis des mois. De rebondissements en autorisations, de négociations avortées en manifestations bruyantes, le dossier fait du grabuge. Pourtant, 400 chauffeurs environ continuent de l’utiliser quotidiennement pour gagner leur vie. En silence. Aujourd’hui nous avons recueilli le témoignage d’un utilisateur qui peine à joindre les deux bouts. 

Abir a accepté de nous parler pour dénoncer la précarité des chauffeurs qui continuent comme lui à travailler pour Uber. Lui est affilié à la plateforme américaine depuis 6 ans. Chauffeur, c’est son seul gagne-pain. En juin, quand Uber a annoncé le transfert de ses chauffeurs à la plateforme de portage salarial MITC, il a suivi le mouvement. « On a continué parce qu’on n'avait pas le choix », raconte Abir. « Je veux continuer à faire mon métier, que j’aime. Sinon je ferai quoi de mes journées ? »

«Des vampires»

Les premières semaines, les revenus sont corrects, dit-il, grâce aux majorations et à une diminution de la marge de la plateforme. Mais rapidement, les gains diminuent. Au point de ne plus pouvoir dégager suffisamment d’argent pour vivre. « On s’endette ! Les seuls qui s’en sortent aujourd’hui, ce sont les frontaliers. Uber a commencé avec 10 % de commission et aujourd’hui il n’a rien trouvé de mieux que d’augmenter sa marge à 15 %. Alors que nous sommes dans la difficulté! Vous n’imaginez pas quels vampires ils sont! »

« L’arnaque c'est le modèle »

Abir nous a laissé consulter ses fiches de salaires. Le document est très alambiqué. Les calculs sont mal détaillés ou partiels. Jean-Luc Ferrière du syndicat SIT s’y est penché de près depuis juillet. Il a constaté une grande opacité, et surtout, une perte des revenus de 7 a 8 % par rapport à avant, et ce, sans compter les cotisations sociales. Mais rien n’est litigieux. 

Pour lui, c’est ailleurs que les chauffeurs se font avoir. « L’arnaque est sur le modèle », tranche le syndicaliste. « Uber ne reconnaît pas le temps d’attente entre les courses. Ce temps-là est offert par le chauffeur. Et puis, seuls les kilomètres de course, et éventuellement d’approche sont indemnisés. De nouveau, les km effectués pendant le temps d’attente ne sont pas indemnisés, et donc sont pour les chauffeurs. » 

Négociations à venir

Ce grand volet des conditions de travail des salariés de MITC n’a pas été abordé lors des négociations entre Uber, les syndicats et l’Etat. Un énorme morceau qui peut remettre en cause jusqu’à la rentabilité du modèle économique de la plateforme. Toutes les têtes sont aujourd’hui tournées vers la conseillère d’Etat Fabienne Fischer, qui a donné à Uber jusqu’au 15 octobre pour se mettre en conformité.