Genève

Actes militants et toiles de maîtres, quel est le message?

03.11.2022 17h43 Julie Zaugg

MAH La Pêche Miraculeuse, de Konrad Witz, est exposée au MAH.

Les actes militants passent de plus en plus de la rue à l’intérieur des bâtiments. On le voit avec les musées et plusieurs œuvres vandalisées par des activistes pour le climat. À Genève au Musée d’Art et d’Histoire, si le geste n’inquiète pas, il interroge. 

De la purée sur un Monet, de la tarte à la crème sur la statue de cire du Roi Charles, de la soupe de tomate sur un Van Gogh… Ces derniers mois, divers militants pour la planète se sont illustrés par leurs actes dans des musées de par le globe. Si la tendance est au jet de nourriture, prendre des tableaux pour cible ne date pas d’hier. En 1914, un Vélazquez était attaqué au hachoir pour faire entendre la cause des femmes. 

«On a tout un historique, avec des pièces très célèbres comme la Mona Lisa, qui s'est fait vandalisée plusieurs fois: en 1956 deux fois, puis en 74, ensuite ils ont mis une vitre. Une dame furieuse de ne pas avoir vu aboutir sa demande de naturalisation avait aussi jeté une tasse acheté à la boutique du Louvres sur la Mona Lisa...» se souvient Marc-Olivier Wahler, directeur du MAH. 

Et encore très récemment, l’œuvre de De Vinci se faisait asperger de crème. Le musée est finalement devenu une véritable caisse de résonnance pour les actions des activistes. «Ils ont touché quelque chose de très juste par rapport à notre sentiment d'appartenance à ce patrimoine mondial» analyse le directeur du musée. 

Un coup de poing théâtral

Interpeller, bouleverser, choquer, c’est bien le but des campagnes d’actions pour le climat. Cette ancienne chercheuse et désormais militante de Renovate Switzerland s’est elle-même récemment collé la main au cadre d’un Giacometti aux Beaux-Arts de Lausanne. 

«C'est du théâtre. Et le théâtre c'est fait pour faire ressentir des émotions aux gens. Si vous vous rappelez de ce que vous avez ressenti en voyant quelque chose de beau, précieux et irremplaçable être détruit -car vous ne saviez peut-être pas qu'il y avait une vitre de protection-, cet espèce de coup de poing... Hé bien regardez par la fenêtre et demandez-vous ce que vous ressentez en voyant des montagnes blanches devenues grises car les glaciers fondent», lance Anaïs Tilquin. 

La plupart des tableaux sont en effet ici sous vitre, donc largement protégés. Comme ce Cézanne, ou encore la Pêche Miraculeuse de Konrad Witz. Selon le type de peinture ou la demande des propriétaires des œuvres, les toiles peuvent aussi rester nues dans leur cadre.

De la nécessité de cibler des oeuvres?

Pas vraiment inquiet d’un potentiel acte de vandalisme au Musée d’Art et d’Histoire, Marc-Olivier Wahler se questionne pourtant: « quel est le message qu'ils font passer par rapport à la nourriture? Avec tous ces gens qui meurent de faim chaque année? Je constate l'efficacité du geste mais je note des contradictions» explique-t-il. 

«Nous sommes dans une crise énergétique et sociale, avec des foyers sont seront de plus en plus dans la précarité cethiver: ils auront du mal à se nourriture, du mal à chauffer leur soupe! C'est aussi un moyen de le mettre en lumière», réplique l'organisatrice de campagne de Renovate Switzerland. 

Des actions dans les musées s’enchaînent, pour accroître la visibilité des causes climatiques. En Suisse ces prochains mois, ce sont les autoroutes qui seront cependant le plus ciblées par les militants, dans le but de créer nous dit-on, une crise politique.