Genève

Syphilis, sida, variole du singe: trois maladies marquant leur époque

17.11.2022 10h24 Céline Argento

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Syphilis, sida, variole du singe: trois maladies sexuellement transmissibles marquant leur époque. Depuis les années 2000, la syphilis remonte en flèche en Suisse. Un groupe de chercheurs genevois essaye de comprendre pourquoi

C'est un mal terrible, présent depuis le 15e siècle. Une maladie sexuellement transmissible, qui fera des millions de morts: la syphilis. Il y a cent ans, elle était partout. Dans les années 20, 15% de la population fut touchée en Suisse romande. Les conséquences sur le corps sont importantes, en trois phases plus ou moins graves, la plus complexe étant l’atteinte neurologique. Le musée d’histoire des sciences de Genève conserve les corps de malades, en cire, datant du 19e. Isaline Stahl, responsable du musée: «Ces corps en cire permettaient aux étudiants de se former mais aussi aux médecins de comparer les maladies». 

Dans le même temps, au début du 20e siècle, des statistiques sont menées en Suisse pour la première fois par le docteur Morax: «Ces statistiques vont permettre pour la première fois d'établir un état des lieux des maladies vénériennes dans le canton de Vaud. Et ainsi de faire avancer les autorités sur des politiques sanitaires» explique le chercheur Guillaue Linte, qui travaille sur la syphilis. En 1928, la pénicilline est inventée, la syphilis décroit alors. 

Les maladies des «Autres»

Avant un autre mal, gigantesque. En 1982, le sida est détecté en Suisse, comme le rappelle le docteur en sciences politiques et historien Thierry Delessert: «Le sujet est mis sur la table par la communauté homosexuelle. C'est grâce à elle que les autorités prennent conscience du fléau. Puis en 1986, l'OMS annonce que la Suisse a le plus grand nombre de cas chez les hétérosexuels. Et la Suisse va se lancer dans sa campagne de prévention». 

Point commun de ces maladies, la stigmatisation de celles et ceux qui sortiraient de la norme. Guillaune Linte: «Avec la syphilis, ce sont surtout les prostituées et les maris volages qui sont ciblés dans le passé. Aujourd'hui encore, c'est la maladie de l'«Autre». Comme ensuite avec le sida, qui ciblait les homosexuels». Une autre maladie vient désormais s’y ajouter, la variole du singe, pointant aussi très vite les relations entre hommes qui changent souvent de partenaires. Thierry Delessert: «L'arrivée de cette maladie en Europe me fait penser aux débuts du sida. Avec une alerte dans les milieux concernés, mais peu d'informations au niveau politique». 

Le préservatif, moins sexy ? 

La variole du singe peut désormais être prévenue par vaccin. Le sida est sous contrôle grâce aux dépistages et traitements pré-exposition. Mais la syphilis, elle aussi facilement soignable, connait un retour depuis les années 2000: 83 cas déclarés à Genève en 2021. Une multiplication par cinq depuis 2006 en Suisse.Thierry Delessert estime que la baisse de la protection par préservatif peut en être une cause: «Durant les années sida, tout le monde portait le préservatif, car c'était la seule manière de s'en prémunir. Mais aujourd'hui, alors que l'on sait mieux appréhender le sida, la protection est moins importante. Par conséquent, il peut y avoir une résurgence aussi de la syphilis». 

Guillaume Linte travaille sur cette augmentation des cas, avec des chercheurs d’autres disciplines. Car pour lui, l’explication pourrait être multiple: «Notre but est de se réunir pour essayer de trouver les causes. Ce n'est peut-être ni qu'une mutation de virus, ni qu'un manque de protection. D'où l'intérêt de cette recherche». Un travail important, sur la syphilis. Qui pourrait aussi permettre de trouver un point de convergence entre plusieurs autres maladies vénériennes, et tenter de les contrôler.