Genève

La conservation de gamètes pour les personnes trans', un enjeu pour la Suisse

18.11.2022 17h00 Céline Argento

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Réaliser une transition, en garantissant la possibilité de faire un enfant. L'enjeu est de taille. En Suisse, il est possible de faire conserver ses gamètes avant opérations ou traitement hormonal pour les personnes transgenres mais sous certaines conditions. Et la PMA reste très encadrée. Un groupe de recherche de l’université réalise une grande enquête pour tenter de cerner les enjeux actuels autour de cette question. 

Lexy Ribeiro a fait sa transition il y a trois ans. Née assignée homme, elle s’est très vite posé des questions: «la journée j'étais en chemise dans un milieu plutôt masculin. Le soir, je laissais mon côté androgyne ressortir et j'ai réalisé que je préferais cela». Avant son opération de vaginoplastie, elle a fait congeler son sperme: «Ma famille m'a bien soutenue. Comme je ne sais pas si je souhaite des enfants (actuellement 50-50), j'ai décidé de faire la conservation au cas où. Et peut-être que la loi suisse va évoluer». 

Bien «genrer»

La conservation des gamètes, une pratique ouverte depuis 2016 environ en Europe. À Genève, le laboratoire Fertas/ Fertigenève a accueilli une trentaine de personnes transgenres en trois ans. Les protocoles d’accueil ont été modifiés. Antonella Biondo, responsable du laboratoire: «nous avons sensibilisé les équipes afin de bien accueillir les personnes, pour bien les genrer. Nos formulaires aussi ont changé, nous avons enlevé les termes monsieur et madame». 

Mais la PMA reste très compliquée voire impossible, comme le rappelle le docteur en sociologie Raphaël Albospeyre-Thibeau: «actuellement les personnes peuvent réutiliser leurs gamètes uniquement si leur état civil n'a pas été modifié». Ce chercheur fait partie d’une équipe de l’université de Genève étudiant les cas suisse et français en comparaison d’autres pays. Delphine Gardey, historienne et professeure à l'université: «Nous nous intéressons à la façon dont les personnes trans' peuvent accéder à la conservation de leurs gamètes. Il y a très peu de données actuellement en Suisse.»

Une conservation médicale

Pour ce faire, le groupe mène des entretiens auprès de personnes transgenres, de juristes et de médecins. Parmi les premiers constats, la durée limite de conservation des gamètes: 10 ans maximum actuellement comme c'est le cas pour tout le monde, sauf en cas de maladie grave. La sociologue Solène Gouilhers a rencontré notamment des médecins: «Ils et elles souhaiteraient considérer ces transitions comme des cas médicaux car les médecins prescrivent des traitements entrainant la fertilité. Cela ouvrirait par conséquent la conservation à vie, mais aussi, des remboursements par l'assurance maladie». 

Être enceint

En attendant les avancées dans le domaine de la procréation médicalement assistée, pour les hommes transgenres, reste la possibilité d’une grossesse classique. Comme l’a fait Jefferson, pour ses deux enfants: «J'ai adoré être enceint, et je n'ai pas relié cela au fait d'être une femme». Pour lui, le changement peut être multiple: «Il y a une sorte d'injonction à "finir" sa transition. Mais en réalité, les personnes peuvent choisir de faire ou pas les traitements hormonaux de même que les opérations». 

En attendant, le droit suisse autorise les personnes trans' à transférer leurs gamètes à l’étranger pour une PMA, dans des pays plus libéraux sur la question.