Genève

Endométriose, le long chemin pour sortir de l'errance médicale

17.11.2022 18h15 Julie Zaugg

endometriose

Douleurs , humeur oscillante, problèmes digestifs et urinaires, douleurs sexuelles voire infertilité… ces symptômes sont ceux de l’endométriose. Elle touche une femme sur dix en Suisse et peut être très handicapante dans la vie quotidienne. Récemment devenue enjeu de santé public en France, la recherche en la matière avance dans les pays européens mais avec lenteur. 

Mylène a 34 ans. Il y a de ça un peu plus de deux ans, elle a été diagnostiquée avec une endométriose. Une maladie chronique lors de laquelle des cellules de la muqueuse de l’utérus, l’endomètre, migrent et se fixent hors de la cavité utérine.  

Si elle se doutait du diagnostic, il a fallu du temps avant qu’une gynécologue le lui confirme. «C'était un soulagement, dans le sens où je n'étais pas folle, je n'avais pas mal dans ma tête. Mais elle me dit: "du coup, c'est vous qui voyez, si vous arrivez à gérer avec des Ibuprofen". Je lui parle alors du risque d'infertilité et elle me répond "on verra d'ici deux trois ans, si vous n'y arrivez pas"... Cette réponse ne me convenait pas, j'ai donc changé de gynéco», raconte la jeune femme. 

Lorsqu’elle arrive au Centre de l’Endométriose des HUG, elle est prise en charge par la Dre Martino, cheffe de clinique. Elle confirme la difficulté à identifier la pathologie.«Les études montrent encore un retard diagnostique qui est estimé à 7 ans. Il y a encore une errance médicale que l'on essaie de diminuer, en diagnostiquant de manière la plus précoce possible, dès l'adolescence» explique Antonella Martino. 

Lentement... mais sûrement

Une errance médicale, le mot est fort, pourtant il est repris par une doctorante de l'Université de Genève, dont la thèse est baptisée "L'endométriose à l'épreuve du tangible": «Après l'errance diagnostique, il y ensuite l'errance thérapeutique...» nous expose Anne-Charlotte Millepied. 

À ce jour, peu de traitements existent. La prise d’antidouleur dans un premier temps, puis une prise d’hormone en continu ou la chirurgie. Quant aux causes de l’endométriose, elles ne sont pas clairement identifiées. Les chercheurs vont vers une piste génétique, mais l’environnement est aussi avancé, avec la pollution, ou encore le facteur sociétal. 

«L'âge des premières règles est diminué, l'âge de la ménopause est avancé. Il y a moins de grossesses, moins d'enfants et du coup les femmes sont plus exposées à cette maladie actuellement» détaille la Dre Matino. 

Garder espoir face à l'incertitude

Mylène, elle, a subi l’an passé deux opérations à quatre mois d’intervalles, puis décide d’arrêter le traitement hormonal qu’elle prenait trop envahissant dans son quotidien. Elle ne s’attendait pas à tomber enceinte tout de suite. «Pour moi ce n'était pas envisageable, il y avait une grosse croix qui commençait à se faire sur ce projet-là aussi», reconnait-elle

L’endométriose se manifestant essentiellement avec le cycle menstruel, la grossesse est une période où les femmes sont épargnées par les douleurs. Il en va de même pour l’allaitement. Mylène, qui donne toujours le sein à sa fille de 6 mois, appréhende le retour de son cycle. 

«Cela peut très bien ne pas revenir... comme repartir en pire, moins pire. C'est une incertitude et personne ne sait» raconte-t-elle. Une incertitude qui perdure pour toutes les personnes atteintes d’endométriose, avec pour seul salut la ménopause. En attendant, il s’agit de gérer les douleurs, via des thérapies complémentaires, tel que de l’hypnose, la physio ou encore un accompagnement psychologique.  «On essaie d'offrir une prise en charge pluridisciplinaire et surtout on laisse la patiente expliquer son histoire», relate la cheffe de clinique du Centre de l'Endométriose.

L'endométriose peu à peu sous la lumière

La maladie est connue depuis plus d’un siècle maintenant. Pourtant ce n’est que très récemment qu’elle est devenue un enjeu de santé public côté français. Mais pas seulement grâce à sa politisation. «L'endométriose a pu aussi s'imposer dans l'espace public parce qu'elle s'est inscrite au même moment et en relation avec d'autres mouvements: féministes ou autour des enjeux liés au corps et à la santé des femmes; détaille Anne-Charlotte Millepied. Je pense que cela a créé un contexte global au sein du quel l'endométriose a pu prendre sa place et suciter de l'intérêt»

D’où le rôle d’autant plus important à l’avenir des associations de patientes. Relai principal d’informations et de mise en relations des malades et des spécialistes.