«Chaskis craint de fermer d’un jour à l’autre»
Chaskis, société de livraison partenaire de Uber Eats qui emploie plus de 400 livreurs de repas à Genève est mise sous pression par le canton. Ce dernier exige la mise en conformité immédiate de l'entreprise en tant que locataire de services. La société de livraison, qui a fait recours devant la justice, vit aujourd’hui dans la crainte de voir ses activités interdites d’un moment à l’autre.
Vous les avez surement déjà vu, surtout aux abords des grandes enseignes de la restauration rapide aux heures des repas. Marc, 39 ans, est l’un des 400 livreurs employés par Chaskis SA. Il nous a été présenté par la direction de l’entreprise pour les besoins du tournage. Salarié à quasi-temps plein à 24 francs de l’heure, il se connecte à la plateforme Uber Eats quatre jours par semaine. Marc défend inconditionnellement le modèle économique de Chaskis. «On a actuellement des contrats à durée indéterminée avec des plannings fixes et des remboursements de nos frais: vélos, sacs, téléphone. On a aussi des primes de performances, des pourboires. Donc, on peut dire qu'actuellement, en tant que coursiers, on a les meilleures conditions de travail de Suisse, voir du monde entier», estime le livreur.
La CCT de syndicom a concrétisé une avancée sociale pour les livreurs
Chaskis se targue d’offrir d’excellentes conditions de travail à ses livreurs sur la base de la convention collective de travail des coursiers à vélo du syndicat Syndicom à laquelle elle s’est affiliée. Pour Syndicom, cette CCT a concrétisé une véritable avancée sociale pour les livreurs de repas de Chaskis. «Chaque livreur reçoit un nombre d’heures minimum chaque semaine et c’est à ce titre une véritable avancée sociale pour eux», analyse Michel Guillot secrétaire syndical de Syndicom.
Chaskis: une hyper-flexibilité de la grande majorité des livreurs
Pour le syndicat SIT, cette convention collective de Syndicom est un faire-valoir de respectabilité avancé par Chaskis. Derrière se cache, dit Anne Fritz, «une hyper-flexibilité de la grande majorité des livreurs. Elle poursuit son argumentation dans les détails : le nombre d’heures minimum par semaine est de trois heures. Ce qui fait douze heures par mois. Douze heures de travail par mois ce n’est pas suffisant pour vivre. Il y a aussi les frais professionnels qui sont remboursés sur un forfait horaire mais qui est calculé sur un forfait si bas que même si vous travaillez beaucoup, cela ne couvrira pas vos dépenses», selon la secrétaire syndicale du SIT.
L’État exige la mise en conformité de Chaskis
En novembre dernier, les autorités, dans le prolongement de leur volonté de réguler les économies dites «de plateforme», ont rendu une décision qui soumet Chaskis comme d’autres, au régime de la location de services, régulé par une convention collective de travail nationale. «On parle de location de service puisqu’une entreprise met à disposition à une autre entreprise ses employés. Ce dispositif est réglé par la Loi fédérale sur la location de services. Pour exercer ce type d’activité il faut demander une autorisation préalable. C’est ce qui est demandé à un certain nombre d’entreprises aujourd’hui», explique la conseillère d'État Fabienne Fischer.
Chaskis craint de fermer d’un jour à l’autre
Cette décision de l’État, Chaskis l’a contestée en justice, estimant qu’elle n’est pas une entreprise de location de services. Mais l’effet suspensif lui a été refusé. L’entreprise a dû demander des mesures urgentes super provisoires au tribunal pour l’autoriser à travailler jusqu’à ce que l’effet suspensif soit tranché. Aujourd’hui, Chaskis craint de fermer d’un jour à l’autre. «Ce qui est vraiment angoissant aujourd’hui, c’est cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes concernant l’effet suspensif qui pourrait mettre un terme à nos activités avec un effet immédiat de nos activités et surtout de nos emplois. On parle de 400 personnes, pour la plupart du personnel qui n’est pas qualifié. Nous employons plus de 60 réfugiés. Ce n’est pas forcément facile pour eux de retrouver du travail», avertit, Ariana Grammatopoulo, présidente du Conseil d’administration de Chaskis SA.
Un combat juridique jusqu’au Tribunal fédéral?
La justice devrait se prononcer sur l’effet suspensif dans les semaines, voire dans les jours à venir. Si ce dernier est accordé à Chaskis, le combat est loin d’être terminé pour la société de livraison. Le Tribunal administratif devra trancher le fond. Un combat qui pourrait une nouvelle fois se prolonger jusqu’au Tribunal fédéral.