Genève

Asphyxie BDSM: «lorsque je me réveille, c'est comme si je venais de naître»

24.02.2023 18h12 Denis PALMA

rédaction

Il aurait étouffé sa femme au cours d’un jeu sexuel qui aurait mal tourné. Ce coup de théâtre, quelques semaines avant l’ouverture du procès en appel d’un septuagénaire accusé du meurtre de sa compagne prévu lundi, met en lumière les pratiques parfois extrêmes de la communauté BDSM.

Nous avons rencontré deux membres de cette communauté. Elle est masochiste, lui adepte des jeux d’impact, notamment. Ils nous parlent à visage couvert de leurs pratiques, encore trop taboues  estiment-ils, dans notre société. Ces témoignages sont rares. 

Le BSDSM, un panel très large de pratiques 

*Richard (nom connu de la rédaction), la quarantaine, est en couple. Il pratique le BDSM depuis plus de 20 ans. Marie (nom connu de la rédaction) 23 ans, est célibataire, Elle l'a pratiqué dès ses 17 ans. Le BSDSM, ce sont des pratiques sexuelles ou non sexuelles faisant intervenir des cordes ou autres liens, punitions, sadisme, masochisme, ou encore la domination et la soumission.

Depuis quelques temps, Marie s’est découverte masochiste. «J’aime l’impact», dit-elle. «Les rapports de domination et l’intensité de la douleur qui en découlent». C’est une douleur qui peut être très agréable et qui peut aussi être excitante. Cela génère beaucoup d'endorphines dans le corps. C’est un peu comme faire un entrainement de cross-fit ou faire une séance de sport intense», explique la jeune femme. 

«Je me réveille comme si je venais de naître»

Ce qui lui plait à Marie, c’est le fouet et le padle, sorte de batte plate. Ce qu’elle aime c’est perdre le contrôle de son corps, le remettre à quelqu’un d’autre, en qui elle a une entière confiance. En ce moment Marie «explore», comme elle dit, la pratique de l’asphyxie en dehors de l’acte sexuel. Lorsqu’elle s’y adonne, elle a le sentiment de planer. «C’est un peu comme si je décidais de m’endormir. J’expire mon air, je me détends et je choisis de partir. Et puis, je me réveille comme si je venais de naître», raconte-t-elle.  

L’asphyxie, Richard l’enseigne aux autres lors des soirées BDSM. «La perte de conscience est rapide», dit-il. «Le temps de perte de conscience dure moins de 10 secondes. C’est quelque chose qui est plutôt bien contrôlé. Même s’il reconnait que les accidents peuvent arriver mais comme dans n’importe quelle situation de la vie», estime le quadrénaire. 

Lors de ces jeux, Marie ne laisse rien au hasard. Tout est convenu d’avance avec ses partenaires. La «communication est vitale», dit-elle, «pour éviter les accidents». Des codes sont aussi prédéfinis: «Lorsque je tapote la cuisse de mon partenaire, il faut que la pratique s’arrête. Mes vrais «safe Words» sont des codes couleurs: vert tout va bien, orange je suis en difficulté, et rouge on arrête tout», raconte Marie.   

«Moins dangereux de pratiquer l’asphyxie avec un partenaire que de traverser la rue en regardant mon téléphone» 

Marie se dit pleinement consciente des risques qu’elle prend. Le risque est atténué, selon elle, par le niveau élevé d’attention autour des jeux BDSM. «Je considère que c’est bien moins dangereux d’avoir un malaise vagal avec un partenaire que de traverser la rue en regardant mon téléphone», pondère-t-elle. Richard poursuit le raisonnement : «on met en place tout ce que l’on peut à la hauteur des compétences de celui qui pratique pour faire en sorte que le risque tende vers zéro. Mais il n’est jamais à zéro, comme il ne l’est jamais dans aucune situation de la vie», ajoute-il. 

«Après avoir été fouetté, vous ne pouvez plus être en représentation sociale»  

Richard évoque le consentement comme la pierre angulaire de la pratique du BDSM. Mieux dit-il : l’intimité comme le moteur de son plaisir. «Lorsque vous êtes contraint par des cordes ou que vous avez été fouetté longuement, vous ne pouvez plus être en représentation sociale. Vous ne pouvez pas tricher ou vous cacher. C’est ça qui me plait, c’est l’intimité qui se créé.»

Tous deux ont accepté de témoigner pour lutter contre ce qui reste un tabou, pour aider comme ils disent, à dédramatiser la pratique du BDSM.