Après trois attaques au couteau, l’inquiétude est-elle justifiée ?
Deux personnes décédées, une autre blessée. Le bilan fait suite à trois attaques au couteau à Genève, dont la dernière en plein coeur de Genève. Faut-il s'en inquiéter ? Analyse.
Vendredi soir peu après 20h, sur le quai des forces motrices, un homme reçoit plusieurs coups de couteau. Contacté, le Ministère public confirme que la victime est décédée sur place. Trois jours plus tard, les autorités judiciaires ne souhaitent toujours pas donner ni le nom ni l’âge de la victime, ou autres informations supplémentaires. L’agresseur a lui été interpellé par la police. Une des hypothèses est celle d’un différent entre dealers.
Un événement en tous les cas traumatisant pour les témoins présents en nombre ce soir là, du fait de la proximité des bars. Un témoin raconte: «Ce qui est le plus choquant c’est que cela s’est passé en plein centre, à 20h à un moment où il y avait du monde». À la Barje, bar voisin, le personnel est très choqué lui aussi. Les employés ont pu voir un psychologue samedi. Les témoins des faits peuvent d’ailleurs faire appel à la cellule psychologique de la police. Des fleurs seront déposées ce lundi soir sur les lieux par l’équipe de la Barje. Fanny Léchenne, directrice, tenait à ce moment: «On est resté fermés samedi. Et il nous semblait important de faire cet acte symbolique tous ensemble».
Trois attaques en un mois et demi
C’est la troisième attaque au couteau en un peu plus d’un mois à Genève. En juin à Thônex, un jeune de 18 ans avait péri suite à une attaque au couteau. Puis fin juin aux Acacias un jeune homme s’en est pris à un autre lors d’une soirée de quartier. La victime n’est pas décédée mais a reçu un coup profond à l’épaule.
À voir les chiffres de la police pourtant, les attaques au couteau ne sont pas plus nombreuses qu’avant. Depuis 2019, le nombre d’infractions impliquant une arme tranchante ou pointue varie, oscillant entre 60 et 90 par année. 68 en 2022, et 8 entre janvier et fin mars 2023.
Pourtant, les trois attaques en un mois créent un sentiment d’inquiétude.«Vivre ici, ça fait peur» peut on lire sur les réseaux. Pourtant attention aux amalgames: les drames de Thônex et celui de vendredi soir sont bien éloignés, ce que confirme l’avocate Me Saskia Ditisheim. Elle nous explique que dans les trafics, ou liens avec la drogue, la présence de couteau n’est de loin pas rare. Mais ce qui l’inquiète, c’est plutôt le fait que des mineurs aient des couteaux en leur possession comme vu dans l’événement de Thônex.
Vente autorisée de couteaux aux mineurs
Selon la loi, le port d’un couteau n’est pas interdit, si ce couteau est de type «couteau suisse». Les couteaux papillon, couteaux à lancer, ceux dont l’ouverture peut se faire d’une seule main, sont interdits dans notre pays. En posséder peut conduire à une peine de privation de liberté de trois ans.
Contacté, un coutelier genevois signale que les ventes de couteaux n’ont pas augmenté depuis cinq ans. Lui même demande une carte d’identité aux acheteurs, mais ce n’est pas obligatoire. Tous les couteaux autorisés en Suisse peuvent en effet être vendus aux majeurs tout comme aux mineurs.
Le coutelier vend surtout des pinces multi-fonctions ou des couteaux de type Bushcraft. Mais la clientèle venant lui acheter des couteaux est rarement très jeune car les couteaux sont haut de gamme. Sur internet, les couteaux moins chers et plus accessibles sont nombreux. Les douanes saisissent normalement ces armes interdites aux frontières. En 2022, 3’641 armes interdites ont été saisies, dont les couteaux évoqués.
Concernant le drame de vendredi, ni le couteau utilisé, ni les circonstances exactes ne sont déterminées, mais les personnes impliquées étaient manifestement majeures. L’enquête est sous la direction de la première procureure Séverine Stalder. La police est à la recherche de vidéos pour refaire le fil de la soirée.