Genève

Arnaud Bédat, «la plume dans la plaie»

21.07.2023 17h32 Céline Argento

beat

Le monde du journalisme pleure la disparition d’un confrère, Arnaud Bédat. Le journaliste jurassien, spécialisé dans l’investigation s’est éteint jeudi matin à 58 ans suite à un cancer. Il était connu pour sa plume, sa bienveillance mais aussi son caractère bien trempé. Ses nombreuses enquêtes de par le monde lui ont valu louanges et menaces. Retour sur son parcours.

«Il nous faut porter la plume dans la plaie comme disait Albert Londres». C’est sans doute la phrase résumant le mieux la flamme qui animait Arnaud Bédat. Et pourtant, tout jeune, le jurassien voulait être libraire à Porrentruy, ville dans laquelle il a grandi. Mais voilà. Le journalisme l’a saisi et ne l’a plus lâché, comme en témoigne son ami depuis 40 ans, Robert Habel: «Nous avons réalisé beaucoup d'enquêtes ensemble. Et dans le même temps, notre amitié s'est construite». 

Machine à scoops

En octobre 1983, le jeune Arnaud n’a que 18 ans. Et pourtant, il participe déjà à l’émission «La course autour du monde» sur Antenne 2. Il réalise alors l’interview de l’un des assassins de Gandhi. Il passe ensuite 30 ans au journal l’Ilustré, endossant avec sérénité ce titre de «machine à scoops». Il n’a pas peur du fait divers: il enquête, fouille, révèle. Sur Bernard Cantat, DSK. Il est même menacé de mort après son enquête sur la corruption dans le football ukrainien en 2019. Ariane Chemin, journaliste au Monde, l'a bien connu: «C'est en faisant du fait divers que l'on se prend le plus de critiques. C'est le genre le plus difficile». Jusqu’au boutiste, il n’hésite pas à aller devant les tribunaux pour défendre la liberté d’expression. Me Charles Poncet l'a défendu: «Nous sommes même allés à Strasbourg ensemble. C'était un vrai journaliste qui s'intéressait aux faits.»

Proche du pape

Arnaud Bédat est aussi un grand connaisseur de l’Ordre du Temple Solaire, cette secte ayant mené à des suicides collectifs. Il avait enquêté avec Gilles Bouleau de TF1. Ce dernier s'est exprimé dans un tweet: «Arnaud Bédat nous a quittés ce 20 juillet. Merveilleux ami et formidable journaliste. L’un des plus grands par son flair, son humanité et sa sensibilité. Tu vas tellement nous manquer.»

Arnaud Bédat écrit plusieurs livres, et se rapproche surtout du pape François. Il est le premier journaliste suisse à avoir pu monter à bord de l’avion pontifical. La reporter Ariane Chemin du Monde l’a rencontré durant une enquête sur le pape: «Il s'est intéressé à ce sur quoi je travaillais. J'aimais cet enthousiasme délirant et surtout sa générosité. Je fais une enquête en ce moment et il y a encore deux jours avant sa mort, il me disait que c'était fantastique. Il était curieux et j'aimais son sens du journalisme même si parfois il était foufou et avait du mal à s'arrêter».

Hommages des confrères

Arnaud Bédat, un homme attachant, et conseiller des plus jeunes. Il aura marqué des journalistes comme Raphaël Leroy, responsable du pole enquête de la RTS, qui se livre sur twitter: «Quelle tristesse! Le grand reporter Arnaud Bédat a marqué ma carrière professionnelle. Je n’oublierai pas son soutien sans faille dans les moments délicats, ses conseils, sa passion du métier, son côté frondeur et son rire. Ce soir, je pense à sa famille et à lui très fort.»

Caractère affirmé, il avait pu avoir quelques différends: «Mais c'est parce que toute tentative de vouloir l'empêcher d'écrire était vaine» commente Me Poncet. Une plume bien ancrée dans la plaie, et surtout dans les mémoires du journalisme.