Chauffage à distance : le Grand Conseil temporise face à la fronde sur les tarifs
Le Grand Conseil a renvoyé en commission la motion PLR et le projet de loi de Libertés et Justice Sociale sur les tarifs du chauffage à distance. Alors que les SIG annoncent déjà des pertes financières, les députés préfèrent approfondir le débat avant de trancher.
La polémique autour des prix du chauffage à distance a refait surface hier soir en plénière du Grand Conseil. La motion PLR, qui juge les tarifs des SIG excessifs et invite le Conseil d’État à s’aligner sur les recommandations du surveillant fédéral des prix, a été renvoyée en commission. Même sort pour le projet de loi du parti Libertés et Justice Sociale (LJS), qui vise à transférer la compétence de fixation des tarifs du Conseil d’État au Grand Conseil.
Le PLR espérait un vote immédiat sur la motion portée par la députée Diane Barbier-Mueller, mais la majorité des partis a refusé de se prononcer sans un examen approfondi. «LJS a déposé dans l'intervalle un projet de loi qui vise plus ou moins les mêmes buts, c'est-à-dire confier au Grand Conseil la tarification des prix SIG pour toutes leurs fournitures», explique François Erard, député du Centre.
Un débat renvoyé en commission
Libertés et Justice Sociale n’a pas non plus soutenu un vote immédiat sur la motion PLR, considérant son propre projet de loi comme prioritaire. «La motion n'a pas d'effet contraignant. Malheureusement, nous devons forcer le pas et édicter des règles claires», martèle Stefan Balaban, député LJS.
À gauche, la prudence domine. «Est-ce que les tarifs sont trop élevés pour les locataires ? Est-ce que les SIG dégagent trop de bénéfices ? Impossible d’y répondre sans une analyse sérieuse en commission», estime Thomas Wenger, président du parti socialiste.
Pour Diane Barbier-Mueller, ce renvoi est une occasion manquée de faire pression sur le Conseil d’État. «On leur accorde du temps, mais cela signifie que les locataires continueront de payer des frais de chauffage excessifs, et c’est regrettable.»
Un déficit des SIG qui interroge
Hier soir, le conseiller d’État Antonio Hodgers a dévoilé devant le parlement des informations confidentielles, affirmant que les tarifs actuels des SIG, basés sur le WACC, entraînent déjà des pertes financières. «Le taux de rendement des réseaux thermiques structurants est actuellement de -3%. SIG perd de l'argent.»
Cette déclaration a surpris, aussi bien à droite qu’à gauche. «Les réseaux thermiques sont rentabilisés sur plusieurs décennies. Affirmer que 3% de déficit aujourd’hui est un problème n’a pas de sens», juge Stefan Balaban. Diane Barbier-Mueller se montre tout aussi critique : «On n’investit pas dans un projet en partant du principe qu’il sera déficitaire pour le canton. Ce n’est pas ce qu’on nous a vendu en 2022 lors de la votation.»
François Erard insiste sur la nécessité de faire la lumière sur la situation financière des SIG : «Si l’entreprise perd de l’argent de manière chronique, nous devons en être informés à temps pour prendre les mesures qui s’imposent.»
Une facture qui inquiète
Selon Antonio Hodgers, appliquer les recommandations du surveillant fédéral des prix obligerait les SIG à s’endetter de 900 millions de francs supplémentaires, en plus du milliard déjà prévu pour l’installation des 230 km de réseau de chauffage à distance.
D’ici 2030, la moitié des immeubles genevois devront être alimentés en énergie propre et locale, réutilisant la chaleur des usines d’incinération ou le froid du lac. Mais pour l’heure, le débat sur les tarifs est loin d’être tranché.