Genève

Communauté philippine de Genève: un système de prêts et emprunts dénoncé en procès

19.06.2023 19h41 Rédaction

proces JZ

Ce lundi matin s’est ouvert le procès de quatre personnes accusées d’usure par métier. Elles auraient profité de la situation précaire de plusieurs femmes philippines pour leur octroyer des prêts avec des taux d’intérêt disproportionnés, puis les menacer ensuite si elles ne remboursaient pas. Une affaire tentaculaire.

Les faits remontent à quelques années déjà, entre 2015 et 2018. Ils opposent quatre prévenus (un homme, son épouse, et deux autres femmes) à quatre plaignantes. Dans cette affaire, tout le monde sauf le mari de la deuxième prévenue, est d’origine philippine.

Dans un véritable système de prêts et d’emprunts au sein de la communauté philippine de Genève, une affaire tentaculaire se déploie. Avec des personnes souvent sans permis et en situation de précarité ou avec des obligations diverses encore au pays.

Communication brumeuse

Dans ce procès trois interprètes, deux en anglais et une en Tagalog, pourtant la communication était peu fluide, et les réponses aux questions, très floues. On parle de divers montants prêtés, parfois entre personnes d’une même famille, puisque l’on a dans cette salle une tante et sa nièce qui se confronte par avocats interposés.

Les prêts sont multiples, pour de nombreuses personnes, ils vont de quelques centaines de francs à 60’000 pour le plus gros montant estimé.

Puis il y a des reconnaissances de dettes écrites à la main sur un papier et des intérêts atteignant un taux astronomique. Alors certaines prévenues expliquent que ça n’était pas des intérêts, que la somme demandée en plus était en fait des frais pour couvrir une autre demande.

Quoiqu’il en soit les montants n’étaient pas ou partiellement remboursés. Faute de moyens. Des prévenus auraient alors eu une attitude menaçante, laissant entendre qu’ils pouvaient aisément dénoncer les emprunteuses à l’office des migrations, leur causer des ennuis ou les humilier auprès de leur employeur.

Des menaces que les prévenus réfutent en chœur. Question d’interprétation des messages dit l’un d’eux. Et surtout ils voulaient récupérer leur argent.

Une Philippine mise en cause a été très prise par l’émotion durant son audition; elle se disait déçue et se sent trahie car ses compatriotes lui ont menti sur le motif de leurs emprunts, prétextant parfois la maladie de proches ou que l’argent n’était pas pour elles. « Elles m’appelaient sœurette, faisaient croire que je comptais pour elles, alors que tout ça c’était pour avoir ce qu’elles voulaient » a-t-elle dit entre deux sanglots.

Le tribunal tente maintenant tant bien que mal d’estimer "qui" doit "quoi" "à qui". Mais les montants sont multiples, et varient d’une version à l’autre.

Des remboursements existent, d’autres pas, en cash ou en virement bancaire. La tâche s’annonce rude pour définir le montant du préjudice – si préjudice il y a. Le réquisitoire et les plaidoiries des avocats se tiendront mercredi pour un verdict déjà annoncé jeudi en fin de journée.