Comptes de l'État: des excédents et pourtant des soucis
Le canton s’attendait à un déficit modeste, il se retrouve avec un excédent de 541 millions de francs avant résultat. La ministre des Finances, Nathalie Fontanet, a donc pu présenter des comptes à l’équilibre. Pour autant, l’optimisme n’est pas de mise. Car les impôts payés par les entreprises accusent un net repli. En parallèle, les charges continuent d’augmenter.
Bonne surprise cette année encore. Alors que le canton prévoyait un déficit modique de 48 millions de francs, il se voit gratifier d’un excédent de 541 millions. Une manne providentielle attribuée à la réserve budgétaire, ce qui permet un résultat à l’équilibre.
La dette, au régime, affiche donc son meilleur résultat depuis 2010, à 10,4 milliards. Corollaire: le spectre du frein à l’endettement s’éloigne. Les investissements, à 660 millions, affichent un taux record de réalisation à 90%.
De bonnes nouvelles pour le Conseil d’État, mais pas de quoi fanfaronner pour autant. Car les revenus sont en recul, les entreprises ne rapportant plus autant de recettes fiscales qu’avant: elles ont payé 483 millions de francs de moins par rapport à 2023. Un phénomène inquiétant, même s’il est en partie compensé par la hausse de 277 millions payés par les personnes physiques. Les impôts immobiliers, eux aussi, sont en baisse.
Pour le Conseil d’État, les années fastes sont terminées. A cela s'ajoute un autre phénomène, source l’inquiétude: on observe que sur la durée, les charges, qui atteignent 11 milliards, augmentent plus vite que les recettes. Les subventions diverses ainsi que l’aide sociale continuent de prendre l’ascenseur. Les subventions aux établissements subventionnés sont aussi en hausse. Quant aux charges de personnel, elles ont augmenté de 10% en cinq ans, même si cette année elles sont en léger recul, car tous les postes n’ont pas été repourvus à la fin de l’année dernière.
«Vous avez une augmentation de 4,6% de la population, et en contrepartie, une augmentation de 20% des charges»
Pour la droite, ce contexte est alarmant: «Il y a des craintes pour le futur, parce que sur les cinq dernières années, il y a une augmentation de 4,6% de la population. Et en contrepartie, vous avez une augmentation de 20% des charges, explique Yvan Zweifel, député PLR membre de la Commission des finances. Ce n'était pas problématique jusqu'à présent parce qu'on avait aussi une augmentation des recettes fiscales très importante. Mais ça veut dire une augmentation plus de 5 fois supérieure à l'augmentation de la population. Or, on n'est pas certain que l'économie continue à tenir ce rythme. Il est donc important de prendre aujourd'hui des mesures pour éviter les problèmes plus tard. C'est le but de ce que le Grand Conseil a voté en janvier.» Le député fait référence aux lois corset, frappées d'un référendum.
A gauche, on estime que ce pessimisme est injustifié: «Le projet de budget déposé par le Conseil d'État prévoyait un déficit de 250 millions, note Thomas Wenger, député socialiste et membre de la Commission des finances. Le budget qu'on a voté au Grand Conseil ramenait ce déficit à 50 millions. Et aujourd'hui, aux comptes, on voit que les prévisions étaient trop basses et qu'on a plus de 500 millions de bénéfices qui montrent que Genève se porte bien, que les recettes fiscales sont en hausse par rapport aux prévisions et qu'il n'y a aujourd'hui aucune justification à couper dans les prestations sociales ou à limiter le nombre de postes, comme le veut la droite.»
Pourtant, d’autres nuages s’amoncellent dans le ciel genevois: le programme d’économies de la Confédération pourrait coûter très cher au canton - un examen préliminaire conclut à 128 millions de francs. Genève pourrait aussi devenir le plus gros contributeur à la péréquation intercantonale à cause des dernières années mirobolantes. Sans compter les incertitudes internationales.