Curabilis crie son malaise et la ministre se tait
La prison de Curabilis croule sous les dysfonctionnements, relatent la Tribune de Genève et Le Temps. Fort taux d’absentéisme, détenus confinés dans leur cellule plus que de raison, nombreux rendez-vous médicaux simplement annulés. Et toujours pas de réponse de la conseillère d’État Carole-Anne Kast.
Une lettre, 4 mois de silence. En février dernier, la conseillère d’État Carole-Anne Kast reçoit un courrier du Syndicat des services publics et l’Union du personnel du corps de police, alertant sur des dysfonctionnements graves à la prison de Curabilis. Ils pointent dans la foulée un manque d’effectifs. Cette lettre est restée sans réponse. Seul un accusé de réception par oral a été transmis.
À la prison-hôpital, pourtant, tout va de mal en pis. Plusieurs problèmes s’additionnent, provoquant des effets en cascade, relatent la Tribune de Genève et Le Temps. D’abord, l’absentéisme des agents de détention explose, entre 12% et 17%. Conséquences: des détenus confinés dans leur cellule plus que de raison, des unités fermées régulièrement. Le 22 décembre, la direction a même dû enfiler l’uniforme pour assurer le service à l’heure du petit-déjeuner.
83 rendez-vous aux HUG annulés
À gauche, on s’inquiète de l’ampleur du problèmes et de ses multiples conséquences, comme Dilara Bayrak, députée écologiste membre de la commission judiciaire et de la police: «C'est inquiétant pour les détenus, mais c'est aussi inquiétant pour le personnel. Il y a un véritable mal-être des personnes qui s'engagent, que ce soit le personnel soignant ou des gardiens, qui n'arrivent pas à accomplir leur mission dans les conditions adéquates. En n'anticipant pas ce genre de crise dans le monde carcéral, plus particulièrement aussi à Curabilis, on multiplie les coûts puisqu'on est obligé d'assurer un suivi pour les détenus.»
S’ajoute aux problèmes de Curabilis la crise à la Brigade de sécurité et des audiences, chargée de véhiculer les détenus. Depuis le début de l’année, 83 rendez-vous médicaux aux HUG ont été annulés, ne pouvant être honorés, faute de personnel. Cela va jusqu’à provoquer des interruptions de thérapies, alors que les troubles psychiatriques de certains détenus peuvent rapidement dégénérer.
A droite, on estime que le problème est structurel avant d’être la conséquence d’un manque d’effectifs. On regrette que le convoyage des détenus revienne aujourd’hui à des fonctionnaires, comme l’a voulu la gauche et le MCG: «Cette internalisation a coûté sept millions de francs par année en plus pour les contribuables, explique Murat Alder, député PLR et président de la commission judiciaire et de la police. Et aujourd'hui, on voit que si cette tâche venait à être externalisée à nouveau, on pourrait sans doute gagner en efficience avec une meilleure allocation des ressources. Et puis on pourrait décharger le personnel qui doit vraiment se concentrer sur la sécurité de ces détenus.»
«À ce jour, toutes les prestations convenues sont couvertes»
Les défaillances à Curabilis ont des répercussions dans les cantons latins, soumis au concordat. Ces derniers payent 1280 francs par jour pour leurs condamnés placés à Genève. À ce prix, il faut que les prestations suivent. Selon les signataires de la lettre, elles ne seraient plus garanties.
Ce que dément le Service pénitentiaire vaudois (SPEN), qui n’a pas connaissance de rendez-vous médicaux annulés pour des personnes détenues. Pourtant, le canton voisin compte 22 détenus sous autorité vaudoise pris en charge à Curabilis. «Le Canton de Vaud ne ressent pas les difficultés citées ces derniers jours dans les médias à propos de Curabilis, répond le SPEN. À ce jour, toutes les prestations convenues sont couvertes.»
Le malaise de Curabilis devrait ressortir de l’audit sur lequel la conseillère d’État va se pencher. Pas sûr que des renforts soient la seule réponse possible aux tensions que connaît l’établissement.