Désistance, quand les jeunes délinquants reprennent pied
La Désistance ou comment réinsérer des jeunes et les sortir d’un parcours de délinquant voire de criminel. À Arzier dans le canton de Vaud, l’association Stage Nature propose d’accueillir et accompagner de jeunes majeurs dans leur retour en société. Que ce soit dans les gestes du quotidien ou dans la recherche d’un emploi.
Pause café dans les hauteurs d’Arzier, près de Saint Cergue. Autour de la table, trois jeunes issus de divers cantons romands, tout juste majeurs et ancien délinquants. Ils sont ici pris en charge par Stage Nature, qui les accompagne dans la désistance. La sortie d’un parcours criminel pour se réinsérer dans la société. Il y a Matteo, qui est ici depuis de longs mois et travaille comme serveur en apprentissage dans l’auberge de la commune. Célestin, tout juste débarqué hier, à sa deuxième sortie de prison. Et Malik, revenu avant-hier dans les locaux, après une période à essayer de retrouver en vain un cadre à sa sortie de détention.
Leur point commun? S’être retrouvé démuni et lâchés dans la nature après des peines de prison ou des placements en foyers. « J'ai eu aucune aide quand je suis sorti de prison. Je me suis débrouillé seul, avec la chose que j'avais: mes mains» explique Malik. Matteo de son côté, nous raconte avoir été « pendant 6 ans en foyer. Mais cela ne marchait pas, on faisait ce qu'on voulait, j'étais tout le temps dehors. Ici, j'ai compris qu'il fallait que je fasse les choses bien. C'est ce que je fais aujourd'hui et j'en suis fier».
Après avoir été incarcéré 5 mois dans un établissement du canton de Vaud, Célestin s’est retrouvé dehors hier, sans rien. Ses parents n’étant pas en mesure de le prendre en charge, il a alors appelé les directeurs de Stage Nature qu’il connaissait qu’un précédent passage. Un peu déboussolé ce matin, il profite de son environnement. «Pouvoir voir un beau paysage... cela parait futile: un buisson, un arbre, cela permet de décompresser» nous confie t-il.
Avancer en gardant le cap
Dans ce centre baptisé Le Cube Désist, l’équipe accompagne les jeunes majeurs dans leur santé, leur formation et leur éducation. «Plutôt que d'être dans l'assistanat, on est dans le faire-faire, l'expérimentation et l'apprentissage de l'autonomisation. Avec des valeurs qui nous sont chères: discipline, respect et confiance. On apprend cela, jusqu'à un chemin professionnalisant» explique Vanessa da Rocha, éducatrice et instructrice en désistance à Stage Nature. Car l’objectif à termes est qu’ils se projettent dans un projet professionnel. « J'avais déjà fait un apprentissage en cuisine, mais je l'ai lâché après un mois et demi. Aujourd'hui je veux le terminer et montrer à toutes les personnes qui ne croyaient pas en moi que je suis capable de tout!» raconte Malik.
Ici le cadre a beau paraître idyllique, il est aussi strict. Le programme du jour doit être suivi et les tâches ménagères et autres responsabilités sont distribuées entre toute l’équipe. C’est ce qui manquait à Matteo pour sortir de la délinquance. «On était en roue libre. Le fait d'être 24h/24 dehors, avec de mauvaises fréquentations, à se cacher de la police... On finit par aller de plus en plus loin» détaille-t-il.
Les limites du système de protection de la jeunesse
Mesures pas adaptées ou inexistantes, promesses non tenues des institutions pour les aider… ces jeunes se disent las du système traditionnel de protection de la jeunesse. «Les jeunes "incasables" comme on les appellent, ce dont on ne sait plus quoi faire, ils ont été à Stage Nature. Mais aujourd'hui la donne change: les jeunes reviennent volontairement. Ce n'est plus une mesure contrainte, une mesure imposée. Ils sont demandeurs. Car ils se rendent compte qu'à la sortie de la prison, il y a le vide, il n'y a rien» expose le directeur Eric Maroni.
Stage Nature les accueillent en attendant, pour certains, que les services sociaux, l’AI, les institutions ou leurs curateurs trouvent le moyen de financer la mesure. Car vivre au Cube avec Stage Nature a un coût, 390 francs par mois pour les 18-25 ans. Un coût que certains amortissent avec leur apprentissage.
Des entreprises partenaires
Et c’est en cuisine, les mains dans les chanterelles que nous retrouvons Malik. Matteo et lui œuvrent tous deux ici, à l’Auberge de l’Union. Un lieu qui porte bien son nom et fait office de centre d’apprentissage. Le chef Vincent Laplanche se dit ravi de cette collaboration avec les jeunes: «La restauration est un bon domaine: on va pouvoir découvrir un métier qui nous ouvre des portes. On peut apprendre beaucoup avec les bonnes personnes. C'est aussi un métier strict, où il faut être carré: ce n'est pas la fête!»
Qu’il s’agisse d’une seconde chance ou plus, Stage Nature et ses partenaires croient fort en la capacité de ces jeunes à rebondir. «Ils sont des Edward aux Mains d'Argent, le film avec Johnny Depp: il a des outils au bout des doigts, il fait peur à tout le monde mais tant qu'on ne lui a pas dit comment les utiliser concrètement et de la meilleure manière, il ne sait pas. Pourtant ils ont tous des capacités, des compétences» estime le directeur.
Célestin conseille lui aux jeunes en situation de délinquance de, simplement, «écouter les darons. Ils savent ce qui est bien ou pas. Il faut aussi se donner les moyens dans des choses qui valent la peine». Comme Matteo, Malik ou Célestin, de plus en plus de jeunes majeurs ou leurs famille font aujourd’hui appel au Cube Desist, pour retomber sur leurs pieds après avoir trébuché.