Genève

«Elle nous a appris que même dans les pires moments il y a de l’espoir»

27.01.2025 18h57 Delphine Palma

holocauste

Elle n’avait même pas 15 ans lorsqu’elle a découvert l’horreur des camps. Ruth Fayon n’est plus là aujourd’hui pour témoigner, mais cette survivante d’Auschwitz et de Bergen-Belsen n’a jamais cessé de transmettre pour lutter contre l’oubli. Ses enfants sont désormais le relais de sa mémoire. Son fils Luc témoigne. 

71503. Ce numéro, tatoué sur l'avant-bras de sa mère, Luc Fayon ne peut l’oublier. Pendant, longtemps, il a été la seule trace qui le reliait au passé de Ruth Fayon, sa maman rescapée à 17 ans des camps de la mort. «Avec mon frère et ma sœur, nous avons très vite su que quelque chose s’était passé, mais nous n'en parlions pas, glisse Luc. Il y a avait comme une gêne, car même nous, les enfants, nous n’osions pas poser de questions. Elle restait notre mère.»

Témoigner inlassablement

Et puis un jour, grâce à l’intervention du professeur d’histoire de son frère Sam, un certain Manuel Tornare, devenu ensuite maire de Genève, il a su. Ruth s’est mise à parler, à témoigner. 
«La première classe devant laquelle ma mère a parlé, c’est celle de Manuel Tornare. Et là, nous avons commencé a apprendre beaucoup de choses sur l’histoire de notre mère.»

L’histoire tragique de Ruth Fayon ressemble à celle de tant d’autres Juifs d’Europe de l’Est. Déportée dans le Ghetto de Theresienstadt avec sa famille, elle est transférée à Auschwitz, elle n’a que 15 ans, puis à Hambourg. C’est là où une garde SS la prend en photo avec sa sœur et sa mère. «C’est une SS qui a aidé ma mère et qui lui a donné ces photos. Elle les a gardées dans sa manche», raconte son fils.

Libérée au printemps 1945, il lui a fallu 30 ans pour arriver à témoigner. Dans les écoles, à la télévision, dans ses écrits, Ruth Fayon a ensuite consacré sa vie à lutter contre l’antisémitisme et l’oubli. 

Luc Fayon se souvient.«Lorsque que je suis allée à Auschwitz avec ma mère, elle m’a pris par le bras devant les baraquements et m’a dit: «Tu vois mon fils, ils ne m’ont pas eu. Je suis là avec toi". Elle nous a appris que la vie avançait.»

Place Ruth Fayon

Vendredi dernier, le Grand Conseil a accepté à l’unanimité de donner à la place de la Petite-Fusterie le nom de Ruth Fayon. Un immense honneur et tout un symbole pour ses enfants. «J’aimerais que cette place soit un hommage pour toutes ces femmes, comme ma mère, qui se sont battues contre l’oubli. Beaucoup de femmes le méritent», réagit Luc Fayon. 

Ruth Fayon est décédée à l’âge de 80 ans, en 2010. En Suisse, il ne reste aujourd’hui qu’environ 300 survivants des camps nazis.