Genève

Erwin Sperisen: «Je veux que mon nom soit restauré pour mes enfants»

14.06.2023 19h00 Jérémy Seydoux, Denis Palma, Nathanaël Deluz

Erwin Sperisen

L’ancien chef de la police guatémaltèque incarcéré depuis bientôt 10 ans accorde un entretien exclusif à Léman Bleu depuis sa prison bernoise. Il réagit à sa victoire devant la Cour européenne des droits de l’homme et aborde son avenir, comme potentiel futur ministre au Guatemala. 

«J’ai un sentiment mixte. D’un côté, c’est une victoire et j’en suis content mais d’un autre j’aurais aimé que la décision de la cour soit plus forte», déclare Erwin Sperisen qui purge la dernière partie de sa peine dans un établissement semi-ouvert du canton de Berne. «La justice suisse m’a condamné d’être le complice d’une personne qui a été acquittée par l'Autriche. Elle n'a pas respecté les accords de Schengen. J'aurais aimé savoir ce que la CEDH pense de cette situation.» 

Depuis 2012, l’ancien chef de la police guatémaltèque aura passé presque dix années en prison. Devant le Tribunal de Genève, il avait été condamné à trois reprises pour avoir pris part en 2005 et 2006 à des exécutions extrajudiciares de détenus lors de raids de police au Guatemala. Un verdict qu’il conteste encore et toujours. 

«Je n’ai tué personne» 

«Je suis innocent. Durant toutes ces années j’ai demandé à produire des preuves, des expertises, mais la justice ne l’a jamais accepté. Comment prouver mon innocence si on ne me donne pas possibilité de le démontrer?» 

Comment justifie-t-il sa présence sur les lieux de la fusillade? «Bien-sûr, j’étais là. C’était une confrontation armée avec les détenus. Tout cela a été filmé. Les expertises sérieuses prouvent qu’il y a eu des confrontations. Elles montrent où et comment ont été tirés les coups de feu.» A-t-il tué quelqu’un? «Non! J’étais à ce moment-là de l’autre côté de la prison, à l’opposé de ce qu'il s’est passé.» 

Guerre contre le trafic de drogue 

Erwin Sperisen rappelle aussi dans quelle situation se trouvait et se trouve toujours le Guatemala: «Pour comprendre, il faut regarder ce qu’il se passe au Mexique avec les narcotraficants. Nous sommes voisins. Nous vivons les mêmes choses au Guatemala. Les assassinats, la violence entre les gangs. C’est une guerre contre le narcotrafic.»

La guerre ? «Oui. C’est la guerre. Ce n’est pas une guerre traditionnelle entre deux armées régulières. Mais entre une multitude de groupes armés.»

Son avenir à la tête du Guatemala?

Après avoir été jugé trois fois à Genève, pourra-t-il affronter un quatrième procès, à quelques mois d’une possible mise en liberté conditionnelle? «Si j’avais des garanties d’avoir un procès juste pourquoi pas. C’est ce que je réclame depuis le début. Mais le problème, c’est qu’il y a déjà eu trois procès. Qui me garantit un procès juste?»

Lorsqu’il sortira de prison, Erwin Sperisen dit vouloir «redécouvrir» ses enfants. «Je veux aussi restaurer mon nom pour mes enfants, ma famille.»

Son avenir? « Si je retourne au Guatemala, j’ai des offres d’amis pour travailler dans le secteur public ou privé. Des candidats aux prochaines élections présidentielles m’ont assuré que si je revenais, je serais nommé ministre. Mais ma priorité c’est la sécurité de ma famille.»