Genève sonnée par les droits de douane américains
La gifle est sévère. La Suisse s’attendait à un régime bienveillant, elle se retrouve frappée de droits de douanes à hauteur de 31% pour ses exportations vers les Etats-Unis. C’est beaucoup plus que l’UE, punie à hauteur de 20% par Donald Trump. Et à peine moins que la Chine, à 34%. Pour Genève, le coup est dur à encaisser.
Contrairement aux espérances, la Suisse n’a pas échappé au coup de bâton de Trump. Pourtant, la Suisse est le 7e investisseur étranger aux Etats-Unis. Pour l’industrie d’exportation, le coup est rude. La Suisse est l’économie européenne la plus dépendante des exportations vers les USA. Elles ont représenté 6,7% de notre PIB entre juillet 2023 et juillet 2024.
Les secteurs durement impactés par ces droits de douane sont l’horlogerie, les machines, les métaux précieux, l’alimentaire et l’industrie pharmaceutique. Cette dernière tire pour l’instant son épingle du jeu. Elle sera taxée à 10%.
Une déclaration de guerre
«C'est vraiment une déclaration de guerre économique à l'endroit de la Suisse et de Genève en particulier, réagit Vincent Subilia, directeur de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG). Genève, dont il est bon de rappeler qu'il est le deuxième canton exportateur de Suisse et que le marché américain est le premier destinataire des exportations suisses. Une nouvelle qui est d'autant plus injustifiée et injustifiable qu'en réalité, la Suisse est aussi le sixième investisseur aux Etats-Unis avec un demi-million d'emplois à forte valeur ajoutée. Donc on ne peut s'expliquer cette décision, sauf à imaginer qu'elle soit imputable à une lecture extrêmement binaire. L'administration Trump constate que la Suisse a une balance commerciale qui leur est déficitaire et choisit de sévir, en oubliant que si on y inclut les services, on est à armes égales.»
Si la balance commerciale déficitaire est en effet le prétexte brandi par Donald Trump pour punir la Suisse, le Conseil fédéral n’entend pas engager une guerre commerciale avec les Etats-Unis. Sous la Coupole, la droite demande déjà de baisser la fiscalité pour alléger la charge des entreprises. La gauche, elle, réclame une dévaluation du franc suisse par la voix de l’USS. Avec ce taux bien supérieur à celui infligé à l’Union européenne, la Suisse accuse un sérieux handicap par rapport à ses voisins.
Un risque de délocalisation
«Ce à quoi l'on risque d'assister, et c'est précisément l'objectif qui est poursuivi par l'administration Trump, c'est de rapatrier un maximum d'emplois aux États-Unis», craint Vincent Subilia. «Et c'est donc que les entreprises suisses, plutôt que de fabriquer ici avec l'érosion de leur compétitivité, avec des marges qui sont déjà à la baisse, finalement délocalisent leurs activités sur le territoire de l'oncle Sam. Et l'objectif du locataire du bureau ovale aura été ainsi atteint».
Au Département de l’Economie, Delphine Bachmann veut rester confiante: «Les marchés de niche, le savoir-faire de haute précision que l'on a à Genève ne s'exportent pas si facilement. Sinon, il y a déjà des pays qui ont des coûts de production et d'autres conditions à offrir à nos entreprises. Et pourtant, elles choisissent de rester et de produire en Suisse. En tout cas, d'ici une semaine, l'objectif sera de pouvoir rentrer en contact de manière plus approfondie avec les secteurs concernés et d'évaluer si des mesures spécifiques sont nécessaires.»
Les négociations avec l'Europe seront cruciales
Pour la conseillère d’État, ce coup dur pourrait aussi être l’occasion de rapprocher la Suisse de l’Europe : «Je pense que clairement ça relance le débat sur nos relations avec l'Union européenne. J'ai toujours appelé de mes vœux la nécessité d'avoir un accord et des relations avec l'Union européenne qui soient forts. Et c'est précisément cette ouverture et cette liberté économique, cette garantie d'accès au marché pour laquelle on doit lutter. Je crois que la discussion sur les négociations avec l'Union européenne vont revenir au premier plan».
D’ici là, les négociations vont aller bon train. Les conseillers fédéraux Karin Keller-Sutter et Guy Parmelin se rendront aux Etats-Unis du 20 au 23 avril. Passablement de monde risque de se bousculer à Washington ces prochains jours.