Genève

Incendie des Tattes: 10 ans après, des plaies toujours ouvertes

15.11.2024 17h53 Denis PALMA

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C’était il y a dix ans. À Vernier, le foyer de requérants d’asile des Tattes prenait feu entrainant la mort d’un résident ainsi que 40 blessés. 10 ans plus tard, l’association Solidarité Tattes réclame toujours justice et exige de l’État des solutions pour les victimes qui souffrent encore dans leurs chairs et dans leurs vies. 

Les cris et le chaos à l’extérieur. Dans le bâtiment, certains résidents du foyer, pris au piège des flammes, vont se défenestrer pour tenter de sauver leur vie. À l’issue de cette tragique nuit du 16 au 17 novembre 2014, le bilan du drame est lourd: un homme a perdu la vie lors de l’incendie. 40 autres résidents ont été blessés, certains grièvement. 

10 ans plus tard, l’association Solidarité Tattes a commémoré sur les lieux de l’incendie ce tragique sinistre en présence de deux rescapés aujourd’hui résidents à Genève. 

Steve a sauté du dernier étage. Les médecins lui ont reconnu une invalidité de 100 %, il est incapable de travailler. Mais pour toucher l’assurance invalidité, il faut avoir travaillé au moins 3 ans. Ce qui n’est pas le cas de Steve. À 49 ans et détenteur d’un permis B, ce père de trois enfants reste bloqué à l’hospice. Mais il poursuit son combat pour être reconnu par l’AI. «Je vis avec la douleur tous les jours. L’argent que me donne aujourd’hui l’Hospice n’est pas assez pour faire vivre mes trois enfants et ma femme. Pour obtenir l’AI, je me bats, me suis beaucoup battu et je continue à me battre. Mais la réponse est toujours non», déplore Steve.  

Solidarité Tattes exige un revenu digne pour les victimes au statut précaire

Aliou lui a sauté du 2e étage: colonne fracturée, son dos est pavé de titane. Invalide à 50%, il est aujourd’hui détenteur d’un permis F, sans rente AI pour les mêmes raisons que Steve. Malgré sa condition physique précaire, Aliou doit travailler comme portier dans un hôtel. À l’avenir, il voudrait faire venir sa fille. Mais son permis F n’autorise pas le regroupement familial. Il entend être reconnue comme victime et dénonce les lenteurs de la justice. «Même en Afrique ce n’est pas comme ça. Je n’ai jamais vu une justice pareille, dit-il exaspérer. Même en Afrique et la corruption qui y règne, il n’y a pas une justice aussi lente comme celle-là.»  

Pour ces deux victimes de l’incendie, les membres de Solidarité Tattes demandent à l’état des solutions sur mesures pour les sortir de l’impasse. «Nous demandons au canton de trouver un cas de rigueur pour ces personnes qui ne remplissent pas les conditions pour obtenir l’AI ou les prestations complémentaires fédérales afin qu’ils puissent accéder à un revenu digne», explique Juliette Fioretta.  

Le Tribunal fédéral doit trancher la procédure pénale 

10 ans après les faits, la procédure pénale liée à l’incendie des Tattes en toujours en cours ce qui ne permet pas d’accorder des indemnités auxquels les victimes auraient droit. Condamnés en appel, le responsable de la sécurité du foyer pour requérants ainsi que les agents de sécurité ont depuis fait recours devant le Tribunal fédéral.