Genève

L'évolution stagnante du dossier électronique du patient

16.02.2023 17h09 Rafael Pacheco

DEP

Le dossier électronique du patient (DEP) s'inscrit comme un outil capable de baisser les coûts du système de santé. L'outil numérique s’est imposé chez certains pays voisins mais peine à faire sa place en Suisse. À Genève, on pointe du doigt le manque de leadership des autorités fédérales. Pourquoi le DEP stagne et quel est son avenir en Suisse? Enquête

En Suisse, depuis 2017, une loi fédérale prévoit le déploiement du dossier numérique médical. Le concept fait son bout de chemin à Genève, canton pionnier en la matière, mais n’arrive pas à s'imposer à l'échelle nationale.

Depuis 2017, les cantons ont carte blanche pour développer leur propre système de dossier électronique du patient. L’avantage du projet est clair: regrouper les données médicales du patient pour mieux le prendre en charge. Les cantons romands, à l'exception de Neuchâtel, ont choisi le travail par région en créant l'association intercantonale CARA.

Moins de deux Suisses sur mille convaincus

En Suisse, à ce jour près de 15'000 DEP ont été ouverts. CARA a ouvert depuis un an près de 12'000 dossiers, dont les deux tiers à Genève. Ailleurs en Suisse, les chiffres s’effondrent, preuve que la thématique n’est pas encore prise au sérieux outre-Sarine. Au total, en six ans, moins de deux Suisses sur 1000 ont adopté le dossier électronique du patient.

Le dossier électronique est un outil numérique aux qualités reconnues, vanté par tous les acteurs interrogés. Mais alors pourquoi ne convainc-t-il pas? Sur le terrain, les médecins observent un décalage entre bienfaits théoriques et réalité. Le médecin généraliste Dr Zorzoli souligne la nécessité d'un système qui englobe la totalité des acteurs de la santé, comme une règle sinequanone. 

Autre obstacle de taille, la cybersécurité. En effet, les informations médicales d'un patient font partie des données dites sensibles, qui requièrent un haut degré de sécurité et qui entrainent une complexification au moment de l'inscription. Chez CARA, on souhaite rassurer les patients: «Rien qu'aux HUG, on a dû passer trois audits pour proposer nos prestations», déclare la cheffe de projet Corrèze Lecygne.

«Certains choix politiques malheureux ont fait perdre 15 ans à la Suisse»

Le DEP helvétique doit encore évoluer, mais fait du surplace. A Genève on pointe du doigt les autorités fédérales: «Certains choix politiques malheureux ont fait perdre 15 ans à la Suisse», estime Adrien Bron, directeur de la santé (GE). A la fois président de l’association des médecins genevois et élu national, Michel Matter constate une absence de vision nationale dans ce dossier et demande une ligne directrice claire de la Confédération. Pour l’ensemble des acteurs interrogés, les perspectives restent encourageantes.

Contacté pour un entretien, l’Office fédéral de la Santé publique nous a renvoyé vers le secrétaire général de CARA. Le Conseil fédéral a de son côté relancé des modifications de la loi sur le dossier électronique du patient en ce début d'année. Une campagne nationale de communication est aussi prévue en 2023. En attendant, les coûts faramineux du système de santé helvétique grimpent annuellement. La méthode pour réussir à les freiner pourrait se trouver, à portée de clic.