Genève

L'homme suspecté de terrorisme à l'Arena demande réparation

10.01.2024 18h23 Julie Zaugg

témoignage Adrian (nom d'emprunt) témoigne de son quotidien depuis ce soir du 25 février 2023.

Retour sur l’évacuation de l’Arena en février dernier, avant un concert du rappeur Lomepal. La justice a indiqué par courrier à l’homme arrêté ce soir-là que les charges retenues contre lui allaient être abandonnées. Mais un an après l’évènement, difficile pour ce quarantenaire de tourner la page sans explications. Il témoigne.

Une opération policière de grande ampleur, 8'500 personnes évacuées, un concert reprogrammé et une procédure pour «menace alarmant la population». L’affaire remontant à février dernier va être classée indique la Tribune de Genève. Mais pour Adrian*, qui s’exprimait mercredi dans ses colonnes, le traumatisme de la scène demeure. Le soir du concert, il était en charge d’un stand de nourriture au pied de l’Arena.  

«Je suis en train de travailler, je sors faire une pause cigarette. Je vois des policiers armés arriver vers moi, je les laisse passer mais finalement je me retrouve au sol, coup de crosse ou autre sur la tête, on me demande de ne pas bouger...» relate-t-il. «Je répète qu'ils se trompent de personne, je suis en pleurs, j'ai du sang sur la tête. (...) On me fouille, on m'attache, puis on me met une capuche sur la tête, on m'emmène je ne sais où et trois personnes arrivent dans la pièce où je suis, pour enquêter» se remémore l'homme de quarante ans. 

Un message signalé

À l’origine de cette situation lui dit-on, un message posté sur un réseau social, jugé alarmant. Ce message, Adrian* nous le montre. Rédigé quelques heures après l’enterrement d’un ami d’enfance. Il fera l’objet d’un signalement. «Outre le message en français, j'ai dit "si Dieu le veut" en arabe et "gloire à Dieu" en arabe, c'est ça qui a posé problème», dit-il. 

Relâché après avoir été entendu, il paie depuis les pots cassés. «Partout où je vais on m'en parle. C'est la première chose qu'on me dit. Mon employeur m'a gardé mais j'ai moins de travail [dans l'évènementiel; ndlr] et la plupart de ses associés dont l'Arena ne veulent plus entendre parler de moi» regrette-t-il. «C'était pourtant une journée importante: émouvante de par l'enterrement puis le soir je passais responsable du bungalow du pied de l'Arena».

Vie privée et professionnelle affectée

Autant dire que la promotion a été de courte durée pour Adrian*. Les mandats en moins l’obligent aujourd’hui à faire d’autres petits boulots. Côté vie privée, là aussi il en a pâti. Les interrogatoires et gardes à vue réalisées ont éloigné certains collaborateurs ou amis. Ses proches ont aussi mal vécu la situation. «Ma maman a eu un choc, elle a même douté de ma conversion et des gens que je fréquentais. Mon fils était traumatisé» expose-t-il. Pour lui, cette intervention a un fort arrière-gout de préjugés. Il s’interroge: «si [les enquêteurs] m'avaient vraiment surveillés ils auraient vu la vie que je mène!»

Contacté, le Ministère public nous le confirme: une demande en indemnisation justifiée est possible ainsi qu’une demande d’éléments de preuves. Elles pourront être admises, totalement ou partiellement, ou refusées lors de la décision finale. Mais pour Adrian*, la rancœur est présente. Face au préjudice qu’il a subi, il va solliciter un avocat et envisage de porter plainte. Lui qui clame depuis un an son innocence souhaite rétablir son nom et n’en restera pas là. 

 

*Prénom d'emprunt.