Genève

Le pont du Mont-Blanc appartient-il aux manifestants?

19.05.2025 18h18 L. Lugon Zugravu / D. Palma

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Samedi, le pont du Mont-Blanc et les Rues basses étaient à nouveau paralysés par une manifestation propalestinienne. Elle est venue s’ajouter à d’autres manifestations incontournables, le marathon, le Tour de Romandie et le 1er Mai. En plus des travaux qui bloquent le quartier de Rive, ça fait beaucoup. La grogne monte.

Après le cortège du 1er Mai et ses 1600 personnes défilant sur le pont du Mont-Blanc, c’est au tour des propalestiniens, ce samedi, d’avoir bloqué le trafic sur le fameux pont. L’ouvrage où il faut impérativement être vu, celui qui aiguise l’appétit de tous les organisateurs de manifestations politiques. Si on ajoute à ces deux cortèges politiques le marathon et le Tour de Romandie, ce passage emblématique entre les deux rives aura été paralysé quatre fois en l’espace de trois semaines. 

«Il y a véritablement un excès des manifestations politiques»

Pour les commerçants, qui subissent déjà les travaux des SIG dans le quartier de Rive, ça fait beaucoup. Chez les élus aussi, le mécontentement se fait sentir. François Baertschi, président du MCG: «Il y a véritablement un excès des manifestations politiques, en général toujours sur les mêmes sujets, et de manière non pas à exprimer une opinion, mais à véritablement embarrasser la vie quotidienne des Genevois. Nous respectons le droit de manifester, qui est tout à fait légitime, mais nous assistons à un abus de ce droit de manifester. Et c'est l'abus du droit de manifester qui doit être combattu par la loi.»

Un projet de loi pour interdire les manifs sur le U-Lacustre et les tracés des trams 

Le député suppléant PLR Philippe Meyer a joint la parole aux actes. Pour défendre la liberté de commerce et les transports publics, il a déposé l’an dernier un projet de loi qui vise à interdire toute manifestation sur le U lacustre, le pont du Mont-Blanc et les voies de tram. Pour l’heure, ce projet sommeille en commission: «Quand on bloque tout le centre-ville tous les samedis, les petits commerces ont une chute jusqu'à 40% du chiffre d'affaires. Donc les gens vont commander en ligne, ils vont faire leur commerce en France. Et puis les trams sont bloqués. Les gens, au lieu de prendre les transports publics, prennent la voiture. Donc ces deux politiques publiques qui sont largement plébiscitées par l'entier des politiques, sont mises à mal.»

«Ce n’est pas protégé par la Constitution, mais c’est protégé par Madame Kast»

Si les manifestations festives, sportives ou culturelles de grande portée sont incontournables, le canton pourrait serrer la vis aux cortèges politiques. C’est en tout cas l’avis de Yves Nidegger, chef de groupe UDC au Grand Conseil: «Le droit de manifester est un droit constitutionnel, mais le droit d'emmerder son prochain en lui créant des nuisances et en bloquant tout parce qu'on choisit des endroits pour manifester qui ont ce but, ça n'est pas protégé par la Constitution, mais c'est protégé par la même Kast.» 

Préserver la liberté de manifester et la liberté de commerce  

Interpellé, le département de la conseillère d’État visée a répondu par mail: «Le département procède à une analyse dans chaque cas en collaboration avec les parties concernées, soit les organisateurs, les communes concernées et la police. Il fait en sorte de préserver les deux droits fondamentaux que sont la liberté de manifester et la liberté de commerce. L'arrêt de la chambre administrative a confirmé la bonne pratique du canton.» 

Cela ne fait pas les affaires de la Ville. L’an dernier, devant la régularité de ces défilés du samedi, les autorités municipales avaient mis leur veto à une énième manifestation pour Gaza en proposant un parcours alternatif. Saisi, le Tribunal avait donné raison à l’organisateur qui dénonçait une violation du droit de manifester. La Ville avait donc recouru en invoquant l’autonomie communale. Raté. Dans un arrêt rendu le 15 avril dernier, la Chambre administrative la déboute, au motif que les communes ne sont pas compétentes en matière d’autorisation de manifestations à caractère politique.

Face au canton, la ville veut garder la maîtrise de son espace public  

Si la conseillère administrative Marie Barbey-Chappuis ne compte pas recourir au Tribunal fédéral, elle ne va pas lâcher l’affaire pour autant: «Ce qui est important pour la Ville de Genève, c'est qu'on ait encore une maîtrise de notre espace public. C'est la raison pour laquelle il faudra formaliser un processus de préavis du canton en tenant compte des communes, de la Ville de Genève notamment, pour faire en sorte que le centre-ville ne soit pas inaccessible tous les week-ends en raison de manifestations.»

L’année dernière, la situation était devenue préoccupante. 15 manifestations politiques d’envergure s’étaient déroulées sur les deux rives, dont les traditionnels 1er mai, 8 mars et 14 juin. Depuis le début de l’année, on compte déjà sept cortèges politiques de belle importance.