Le tour du monde en une exposition
Le tour du monde, non pas en 80 jours, mais en une exposition. À Prangins, le Musée national suisse vous convie à revivre l’élan des premiers globetrotters du XIXe siècle. L’exposition dévoile un monde en pleine conquête, façonné par le tourisme naissant, et l'impérialisme de l'homme blanc.
Faire le tour du monde en parcourant seulement quelques mètres. Au Château de Prangins, c’est possible. Tout commence en 1869: l'ouverture du canal de Suez, l'inauguration du chemin de fer transcontinental aux États-Unis et la mise en service de la ligne maritime San Francisco–Yokohama rendent enfin le rêve accessible. Voyager autour du globe devient, pour quelques privilégiés, une réalité, explique la directrice du musée et co-commissaire, Helen Bieri Thomson.
Des globe-trotters fortunés
«Les globe-trotters sont essentiellement des Occidentaux, blancs, fortunés, issus des élites. Ils voyagent en première classe et réalisent ce tour du monde avant tout pour pouvoir dire qu'ils l'ont fait. Et pour cela, beaucoup de trajets en paquebot, en train Pullman, mais parfois aussi en pousse-pousse ou à dos d'éléphant en Inde. Tout ça fait partie de l’expérience», souligne Helen Bieri Thomson.
Jules Verne, star de l'exposition
L’exposition de Prangins présente les deux manuscrits originaux du Tour du Monde en 80 jours, entourés d'affiches et de documents imagés. Avec les récits des premiers globe-trotters, la mode du tour du monde est lancée. Jeux de société, affiches, illustrations en tous genres fleurissent. Le voyage devient aussi possible sans quitter son salon, explique la commissaire. «Voici un stéréoscope: on le plaçait devant les yeux et, grâce à des séries d'images, on pouvait voyager virtuellement autour du monde.»
Des Suisses à l'assaut du monde
Parmi les globe-trotters de la Belle Époque, quelques Suisses prennent également la route. L’exposition leur consacre une place particulière, retraçant leurs itinéraires et présentant de nombreux objets ramenés du bout du monde.
«Voici la malle avec laquelle est partie Lina Bögli, l’une des globe-trotteuses sur lesquelles nous mettons l’accent. C’est une figure atypique: femme, seule, célibataire et sans moyens. Elle devra travailler comme institutrice à chaque étape pour financer la suite de son voyage.» Il lui faudra dix ans pour boucler la boucle.
Un regard critique sur l'héritage colonial
L’exposition s'intéresse aussi aux représentations impérialistes et coloniales véhiculées par ces voyages. À la fin du XIXᵉ siècle, impérialisme et tour du monde sont indissociables. Le regard porté sur l’ailleurs, souvent stéréotypé, invite aujourd'hui à questionner l’histoire du tourisme.
Car cette exposition se veut aussi une reflexion sur les représentations de l'ailleurs, de l'autre et de l'exotisme. Fruit d'une collaboration avec l’Université de Genève, l’exposition est accompagnée d'un riche programme de médiation et de visites commentées, pour compléter ce tour du monde en quelques pas.