Le «viol court» du Tribunal fédéral crée la polémique
Le Tribunal fédéral considère que la durée d'un viol peut être retenue dans la fixation de la peine. La décision a fait grand bruit. Une protestation de la grève féministe s'est tenu ce lundi soir Place du Molard.
Le jugement de l'ultime instance helvétique émane d'un cas de viol à Bâle datant de février 2020. Deux hommes avaient alors violé une femme dans l'entrée de son immeuble. Après un premier jugement, la cour d'appel bâloise avait réduit la peine de l'un des prévenus à trois ans d'emprisonnement en s'appuyant sur la durée du viol de "seulement" onze minutes et sur le comportement aguicheur de la victime.
Le Tribunal fédéral a finalement cassé cette décision en appel et déclare que le comportement de la victime ne doit pas être pris en compte dans la fixation de la peine. En revanche, l'instance judiciaire admet la prise en compte de la durée du viol. Une décision qui a engendré une polémique, et une manifestation ce lundi soir à Genève.
Des cris de onze minutes dans la rue
Inès Forster Malka, membre du collectif de la grève féministe et co-organisatrice de la manifestation de ce lundi, explique la démarche: «On a voulu montrer à la rue et à ces juges à quel point onze minutes peuvent être longues». Avec ce jugement rendu, Inès Forster Malka s'inquiète du message envoyé aux victimes de viol, qui pourraient considérer que leur viol subi peut être trop court pour punir lourdement leur agresseur. «On demande que la Suisse prenne des mesures concrètes pour appliquer la Convention d'Istanbul ratifiée en 2017 qui demande des actes pour lutter prévenir contre la violence faite aux femmes et aux minorités de genre», revendique la membre du collectif de la grève féministe.
Katia Villard: «les juges du Tribunal fédéral ont commis une maladresse»
Pour la professeure en droit pénal à l'Université de Genève (UNIGE) Katia Villard, «les juges du Tribunal fédéral ont commis une maladresse» sur la retenue du critère de la durée du viol dans la fixation de la peine. «En comparaison de quoi? À quel moment estime-t-on que telle ou telle durée est courte? Pourquoi la durée, dans ce cas précis, peut être prise en compte? On ne sait pas», constate la professeure en droit pénal. Elle considère un «manque de motivation» flagrant autour de ce critère.
À la suite de cette décision, les victimes de viol doivent-elles avoir peur? «Je n'espère pas», répond Katia Villard qui détaille: «bien que maladroite, la formulation est suffisamment isolée pour ne pas en tirer grand-chose juridiquement». Une jurisprudence sur l'arrêt du Tribunal fédéral paraît ainsi trop improbable pour la professeure en droit pénal.