Genève

Les Genevois voteront le 18 juin sur le droit à l'alimentation

26.05.2023 17h48 Lucie Hainaut

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Le 18 juin prochain, les Genevois voteront sur l’inscription du droit à l’alimentation dans la Constitution cantonale. Le Grand Conseil a accepté ce projet de loi en septembre dernier mais il doit encore obtenir l’approbation du peuple, puisqu’il modifie la charte fondamentale. 

Elles sont encore dans tous les esprits: les files interminables devant les Vernets pour obtenir un colis alimentaire. C’était au printemps 2020, en pleine pandémie. Silvana Mastromatteo se souvient très bien: c’est elle qui a initié les premières distributions. Trois ans plus tard, elle juge les critères d’accès à l’aide alimentaire trop restrictifs. Elle espère que la loi sur le droit à l’alimentation fera bouger les choses: «Il n’y a pas tout le monde qui a accès aux colis alimentaires, on voit que des personnes échappent au filet. Il y a notamment des personnes suisses qui n’ont pas accès à cette aide alimentaire, comme des retraités par exemple» se désole la présidente de la Caravane sans frontières.

«le système arrive à saturation, on doit trouver des solutions»

Plusieurs organisations de terrain défendent elles aussi le oui à la loi sur l’alimentation, comme la Fondation Partage: «Si le droit à l’alimentation entre dans la Constitution, ça devrait servir de déclencheur à une réaction politique pour la mise en place d’un texte, qui devrait coordonner l’aide alimentaire sur le canton de Genève» espère Marc Nobs, directeur de Partage. Un changement qui doit survenir rapidement, selon la directrice des Colis du Cœur: «Aujourd’hui nous avons un nombre de personnes bénéficiaires qui est très élevé et le système arrive à saturation, on doit trouver des solutions» s’inquiète Jasmine Abarca-Golay. En 2022, la banque alimentaire Partage a fourni à différentes organisations de quoi nourrir 14'000 personnes par semaine. Elle demande aujourd’hui une politique publique de l’alimentation.

«L'aide alimentaire d'urgence est indigne pour l'un des pays les plus riches du monde, c'est important d'aller vers le droit à l'alimentation»

Laurence Ossipow, anthropologue ayant travaillé sur l'aide alimentaire, souligne la différence subtile mais essentielle entre le droit à l'aide alimentaire et le droit à l'alimentation, objet de la votation du 18 juin: «l'aide alimentaire d'urgence consiste à donner un colis qui va subvenir à l'alimentation sur 2-3 jours», souligne l'anthropologue qui distingue le droit à l'alimentation qui lui permettra de repenser le paradigme et de faciliter l'intégration de l'Etat dans son rôle à jouer.

Pour Laurence Ossipow, une aide alimentaire d'urgence qui se pérenisse est un mauvais signe. Un désavantage qui ne fait que accentuer «des systèmes qui ne font que perpétuer la charité».

«Il vaut mieux être dans l’action»

Parmi les opposants au projet de loi figurent l’UDC, le MCG et le PLR, dont le député libéral-radical Alexis Barbey: «D’une part il est inutile et d’autre part, il est dangereux dans la mesure où si on accepte un droit parapluie comme cela, ensuite dans les débats du Grand Conseil on est plus ou moins tenus d’accepter les lois d’application qui vont avec. Ce qui implique de peut-être accepter des mesures qui ne nous plairaient pas. Je crois qu’il vaut beaucoup mieux être dans l’action dans ce genre de cas» argumente l’élu de droite. Une vision que ne partage pas le directeur de la Fondation Partage: «d’inscrire quelque chose dans la Constitution c’est un signal politique, et puis c’est aussi aux politiques, au gouvernement de prendre des responsabilités dans cette situation-là» martèle Marc Nobs.

Un alourdissement de la Constitution?

De son côté, la droite juge qu’un tel article alourdirait la Constitution: «Une Constitution donne de très grandes orientations. Plus on met dedans des choses qui touchent à la gestion quotidienne du canton plus on complique le travail de la Constitution, et l’abord de la Constitution par les citoyens. Il faut que ce texte reste lisible, qu’elle donne une idée générale de ce qu’il faut faire, et ensuite les lois sont là pour prendre le relai» juge Alexis Barbey. 

En septembre dernier, le Grand Conseil avait accepté le droit à l’alimentation par 52 oui contre 43 non. Si l’article de loi passe aujourd’hui devant le peuple, c’est parce qu’il s’agit d’une modification constitutionnelle.