Genève

Les deux visages du fentanyl

23.05.2024 18h46 Denis PALMA

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Des chercheurs de l’université de Genève ont réalisé une avancée majeure en matière de compréhension des opiacés et plus particulièrement du fentanyl, ce médicament utilisé comme une drogue qui fait d’énormes dégâts aux États-Unis. Ils ont découvert que cette substance exerce deux effets distincts dans deux régions différentes du cerveau. Les résultats de leur recherche ont été publiés dans la revue «Nature». 

On l’appelle la «drogue du zombie». Le fentanyl, un opiacé de synthèse particulièrement puissant, fait des ravages des rues des grandes villes américaines où il est à responsable des trois-quarts des décès par overdose. 

A Genève, une équipe de l’université vient de réaliser une avancée majeure dans la compréhension des effets du fentanyl sur le cerveau. Christian Luescher, a dirigé ces travaux menés sur des souris. Le professeur en neurosciences fondamentales de l’Unige a constaté deux comportements distincts. «Cette substance exerce deux effets distincts au travers d’un même récepteur cellulaire dans deux régions différentes du cerveau. L’un entraine l’effet euphorisant, le second le malaise intense lors du sevrage, raconte le professeur. Cela expliquerait pourquoi les individus ne prennent pas seulement la drogue pour son effet euphorisant, mais aussi pour éviter le sevrage, et pourquoi les opioïdes sont plus addictifs que les autres drogues.  

Ces découvertes remettent en cause les modèles actuels de l’addiction 

Ces découvertes remettent en cause les modèles actuels de l’addiction, estime le chercheur.  «Nous pensions jusqu’à présent que le sevrage était le revers de la médaille du même système. Mais nos recherches indiquent que ce sont deux systèmes distincts qui sont impliqués. Cela change la manière dont on va dorénavant penser l’addiction aux opiacés.» 

Nous pourrons développer de nouvelles molécules de substitution

Elles permettront aussi d’affiner les traitements de substitution. «Pour le moment la méthadone est le principal pilier de l’addiction aux opiacés. Mais maintenant que nous savons que nous avons affaire à deux systèmes, nous pourrons développer de nouvelles molécules de substitution qui touche l’un et pas l’autre. Ce qui pourrait être d’une plus grande efficacité», conclut-il.   

Pourquoi les opiacés sont-ils plus addictifs que la cocaïne? Ces recherches genevoises, menées en collaboration avec deux laboratoires français, pourraient également offrir à l’avenir les clés pour répondre à cette question.