Genève

Marc Gautschi: «Nous étions obligés de changer d’entraîneur»

10.11.2021 18h07 Martin Esposito

gautshi

Le directeur sportif du Genève-Servette HC a pris la décision de limoger Patrick Emond. Il nous explique les raisons de ce choix.

Valentin Emery: Cette décision, c’est la vôtre, pourquoi l’avoir prise aujourd’hui?

Marc Gautschi: C’est une journée assez difficile. Pat était une personne avec qui nous avons vécu des bons moments. Mais, au bout d’un certain temps, d’un point de vue sportif, nous étions obligés de faire quelque chose. Nous sommes arrivés à ce point là après avoir tout essayé: nous avons acheté des joueurs, nous avons donné du temps et ça ne marchait pas. Les résultats ne sont pas là où ils devraient être. Il y a aussi la façon dont nous avons joué: nous avons manqué d’émotion, de feu. Et puis il y a eu ces deux derbys, à la maison contre Lausanne et puis à Fribourg – on était un peu éteint. Ça m’inquiétait un peu. Alors, hier soir nous avons pris la décision de redonner une nouvelle vie à cette équipe.

V.E: Vous avez évoqué ces bons moments avec Pat Emond. Il a eu deux titres avec les juniors, il est allé en finale l’an dernier avec l’équipe professionnelle. Est-ce que cela n’est pas ingrat de le congédier aujourd’hui en pleine saison?

M.G: C’est comme ça. L’année passée nous étions deuxièmes, puis nous avons perdu beaucoup de matchs en fin de saison régulière. Grâce à Zoug, nous sommes allés en playoffs et le titre nous est passé à quelques centimètres. Cette saison, nous n’avons pas beaucoup de chance. C’est ça la question: laisser aller et espérer que ça aille mieux ou changer quelque chose. Nous avons décidé de changer. Ce n’est pas que l’entraîneur, c’est tout ce qu’il a accompli. Mais je pense que c’est important pour un club de montrer que nous voulons nous sortir de là.

V.E: Pat Emond n’a jamais eu son équipe complète. Le problème des blessés n’expliquerait-il pas les mauvais résultats?

M.G: C’est clair que pour chaque équipe qui a des blessés, ce n’est jamais facile. Mais des fois, des blessures donnent une chance aux autres joueurs. Malheureusement, cette saison, nous n’avons pas eu cette chance. Ça n’a pas fonctionné. Alors maintenant que nous avons changé d’entraîneur, c’est aux joueurs de montrer que nous sommes une bonne équipe.

V.E: Cette année il n’y a pas de relégation en LNA, donc pas de risque pour l’avenir du club. Le club n’a pas beaucoup de points, mais n’est pas loin des pré-playoffs. N’est-ce pas un peu précipité?

M.G: C’est toujours difficile à savoir. Des experts m’ont dit que j’aurais dû changer d’entraîneur avant, d’autres que je n’aurais pas dû changer car il n’y a pas de relégation. Nous avons pris cette décision tous ensemble et nous avons encore discuté pendant trois jours, après le match contre Ajoie. On a tout analysé, on a pris cette décision et on est tous très heureux.

"Si vous me dites que cette équipe mérite un point par match, peut-être, mais personne n’a dit que cette équipe était mauvaise, même les plus grands spécialistes. Je ne pense pas que je doive démissionner pour ça."

V.E: Il y a des clubs qui changent souvent d’entraîneur en cours de saison, à Genève ce n’est pas forcément le cas. La dernière fois, c’était en 99-2000, vous comprenez que parmi les sponsors et les supporters il y ait de la déception?

M.G: Je comprends et je l’assume. C’est marrant, si ça va bien, (en tant que directeur sportif, NDLR) tu dois te cacher, si ça ne va pas bien, c’est toi qui doit faire face. C'est comme ça. Si nous laissions traîner jusqu’à la fin de la saison, nous ne pourrions rien faire. Là, nous essayons de changer, je pense que nous étions obligés d’opérer des changements.

V.E: Nous avons appelé des supporters, des partenaires, beaucoup nous disent que c’est votre faute, que c’était à vous de partir. Avez-vous pensé à démissionner?

M.G: Je ne pense pas. Si vous me dites que cette équipe mérite un point par match, peut-être, mais personne n’a dit que cette équipe était mauvaise, même les plus grands spécialistes. Je ne pense pas que je doive démissionner pour ça. 

VE: Mais est-ce que vous reconnaissez des erreurs?

M.G: Bien évidemment. Ce n’est pas uniquement la faute de l’entraîneur. Je suis le premier à accepter les critiques. Évidemment que je fais des erreurs et je les assume.

VE: Le cas de Daniel Manzato fait beaucoup parler. Le gardien remplaçant n’a pas été reconduit cet été, malgré des excellents playoffs. Alors que Gauthier Descloux enchaine les blessures depuis quelques mois, n’était-ce pas une erreur de l’avoir laissé partir?

M.G: Revenons en arrière: nous avons pris la décision pour Daniel Manzato fin octobre 2020. À cette époque, Gauthier Descloux survolait la ligue, et Stéphane Charlin était très bon en Swiss League (NDLR: la deuxième division helvétique). À ce moment-là, tu ne penses pas qu’une année plus tard tu vas avoir des problèmes en défense. J’adore Daniel Manzato, c’est une des personnes que je préfère dans le monde du hockey, c’était dur de le voir partir. Mais sportivement parlant, il n’a gagné que 3 matchs sur 9 en saison régulière l’an dernier. La stratégie du club est de mettre les jeunes en avant. Il était plus logique pour moi d’avoir Stéphane Charlin en doublure avec le meilleur gardien de la ligue en numéro un et investir l'argent économisé pour engager Josh Jooris ou un 5e joueur étranger. Alors oui, peut-être que nous aurions gagné quelques matchs de plus cette saison avec Daniel Manzato. Mais ça, nous le sauront jamais.

V.E: Patrick Emond avait un contrat jusqu’à la fin de la saison 2022-23, quel est son avenir dans le club?

M.G: Pour l’instant, c’est trop frais pour parler de ça.

V.E: Un mot sur Jan Cadieux, c’était l’assistant de Pat Emond. Pourquoi avoir choisi lui plutôt que quelqu’un de l’extérieur?

M.G: L’équipe est soudée et a envie de jouer. Je préfère avoir un coach qui connait ses joueurs individuellement et personne ne connaît mieux l’équipe que Jan. Une personne de l’extérieur demande un temps d’adaptation, qui peut être parfois trop long. Je pense que Jan est un bosseur. Il va mettre de la passion et du fun.

V.E: Quel objectif fixez-vous à Jan Cadieux?

M.G: Nous n’avons pas d’objectif, mais si l’on change c’est pour aller en playoffs.