Me David Bitton: «Il y a quelque chose sur le plan de la détention qui a dysfonctionné»
Avocat bien connu de la place, Me David Bitton nous livre son analyse sur l’affaire Sperisen.
Pour l’avocat pénaliste, la demande des avocats de la défense, de l’ordre de 6 millions de francs de réparation est «réaliste si l’on prend en considération la durée de la procédure, la détention, les dommages collatéraux pour la famille. La somme n’est pas choquante, cela n’a rien d’excessif si la Cour aboutit à la conclusion qu’Erwin Sperisen est innocent.»
Dans cette affaire, David Bitton se dit choqué par la détention d’Erwin Sperisen: «Cela paraît impensable que cette personne, alors que l’on s’interroge encore sur sa culpabilité, ait déjà purgé une peine de 12 années. Il y a un vrai problème, je pense qu’il y a quelque chose sur le plan de la détention qui a dysfonctionné. (…) Elle est intervenue trop tôt ou trop longtemps. Il faut songer à des moyens palliatifs, des mesures subsidiaires comme la loi le prévoit, car l’exécution d’une peine n’est pas une peine avant l’heure.»
L’affaire est-elle une nouvelle affaire Mykailov? Ce parrain russe, faute de preuve et embastillé dans une instruction à charge, avait été indemnisé. Pour Me David Bitton, la comparaison est assez juste. «On se rappellera qu’en 1998, lorsque monsieur Mykailov est jugé par la Cour d’assises (remplacée depuis le Tribunal criminel, NDLR.), elle s’était donnée les moyens d’une sécurité inédite, avec un système de contrôle à l’entrée. Le juge d’instruction avait même des gardes du corps. Finalement, monsieur Mykailov a été acquitté par un jury populaire et l’indemnité de 800'000 francs qu’il avait reçue correspondait à la détention qui était injustifiée. C’était il y a 25 ans, si l’on a une affaire scandaleuse tous les 25 ans, donc quatre par siècle, la proportion reste acceptable.»
«Un échec»
L’avocat pénaliste rappelle que le Code pénal prévoit la poursuite en Suisse de Monsieur Sperisen du fait de sa double nationalité. De même, de nombreuses infractions liées à la place financière, telles que l’affaire Borodine, ont été jugées à Genève. «C’est un peu lié au rôle international de Genève et à sa législation», glisse Me David Bitton.
Comme observateur extérieur à l’affaire, il constate un échec: «S’il est acquitté, c’est une catastrophe. 12 ans de prison, sur le plan humain et sur le plan de la justice c’est une catastrophe et l’aspect financier ne sera qu’une maigre consolation, quelque soit le montant, par rapport à ce qu’il aura vécu. S’il est reconnu coupable, la justice doit donner une leçon dans un certain délai, avec ce principe de célérité.»