Municipaliser les crèches: une solution face au manque de places ?
Près de 13’000 enfants sont accueillis en pré-scolaire dans le canton. Malgré une hausse de l’offre de presque 1’000 places ces dernières années, il manque encore de structures et de personnel pour satisfaire toute la demande. De nouvelles organisations se mettent en place pour tenter d’avoir une meilleure vue sur l’avenir et les besoins. C’est le cas notamment avec la municipalisation des crèches. La ville de Genève le teste depuis cette rentrée.
Le bâtiment Marie Goegg-Pouchoulin à la Jonction a ouvert en 2021. Ici, 170 jeunes enfants sont accueillis chaque jour dans des crèches et garderies. Historiquement, les crèches fonctionnent sur un système d’associations subventionnées avec des parents bénévoles. Depuis cette rentrée, les collaborateurs de Marie Goegg-Pouchoulin sont sous autorité de la ville. «Il s’agit de concevoir l’éducation préscolaire comme une vraie tâche de service public. Les objectifs sont de garantir de nouvelles places, mais aussi d’assurer l’égalité de traitement entre tous les enfants avec un projet pédagogique» explique Christina Kitsos, magistrate en charge de la cohésion sociale en ville de Genève.
La municipalisation est pour l’heure seulement valable à Marie Goegg-Pouchoulin, et pas pour les autres crèches. «Toutes les nouvelles structures qui ouvriront désormais seront automatiquement municipalisées. On ne pourrait de toute manière pas le faire en bloc, mais seulement deux ou trois par année» explique la magistrate. Selon la cour des comptes, la municipalisation progressive en ville va coûter trois millions de francs.
«Mieux piloter»
D’autres communes ont déjà fait le pas avec une prise en main totale ou partielle des crèches depuis 20 ans: Vernier, Meyrin, Carouge, Plan les Ouates, Bernex, etc.
Lancy a mis ce système en place il y a un an, suite à un vote de la population. Les opposants souhaitaient un système de financement par une Fondation. C’est finalement une municipalisation de toutes les structures qui a été adoptée. «On est encore dans une phase d’adaptation. Il est clair que doubler l’administration communale d’un coup n’a pas été simple. Cela a aussi une répercussion sur plusieurs services: les espaces verts, l’informatique, ou le service des travaux. Mais globalement, les gens sont convaincus sur le fond. De toute manière, on ne peut pas développer un secteur à la hauteur de ce que souhaite le canton et les familles sans le piloter correctement. Le système de subventions à diverses association qui ne se parlent pas ne peut être projeté dans l’avenir».
Des places manquantes
Unifier, penser global, pour créer notamment, plus de places. Tel est le nerf de la guerre. Pour l’entier du canton, il manque entre 3’200 et 3’500 places. En ville de Genève, plus de 1’000 avec de grosses disparités entre les quartiers. 52% de l’accueil est garanti seulement aux Eaux-Vives contre plus de 100% aux Pâquis. 700 places doivent être créées d’ici 2028 dans cinq nouvelles crèches.
Pour accueillir tous les enfants, il faut des bâtiments bien sûr. Mais aussi, du personnel, qui manque cruellement. Une des pistes évoquées est la revalorisation des métiers. À Lancy en moyenne, les collaborateurs ont vu leur salaire augmenter de 5 à 10% avec la municipalisation. 10% aussi, pour les collaborateurs de Marie Goegg-Pouchoulin.
Revaloriser les salaires ou assouplir les conditions ?
Pour la droite, il faut au contraire assouplir les conditions pour les crèches non subventionnées. Un projet de loi est passé en juin dernier. Il s’agit de pouvoir payer les collaborateurs au salaire minimum et non en se calant sur les tarifs plus élevés de la ville, comme c’est d’usage actuellement. Le projet a été porté par la députée PLR Diane Barbier-Mueller: «Avoir la possibilité de payer au salaire minimum, cela permettra d’encourager les structures privées et les autres communes à ouvrir des crèches: sans précariser le personnel mais en offrant d’autres avantages que simplement salariaux.»
Ce texte est combattu par référendum. Plus de 10’000 signatures ont été déposées lundi par la gauche et les syndicats. Les Genevois devront se prononcer.
École à trois ans
À droite, alors candidate, Anne Hiltpold avait fait une proposition bien différente: l’école à trois ans pour décharger les crèches. Il faudra attendre le programme de législature en novembre pour en savoir plus sur les perspectives de développement de cette idée.
Le sujet est en tous les cas au coeur de l’actualité. Le Conseil National a approuvé en mars un projet pour que Berne finance 20% des frais de crèche pour chaque enfant. L’initiative pour des crèches de qualité et abordable a aussi abouti cet été au niveau fédéral. ÀGenève, la population devra également se prononcer pour ou contre des crèches gratuites pour tous les enfants.