Genève

«On nous dit après onze ans que notre partenariat n'est pas valable»

11.07.2024 17h55 Julie Zaugg

partenaire

Max et Ivan sont en couple, installés à Genève depuis 2013. Voilà près de 19 ans que les deux hommes sont unis par un partenariat, établi aux Etats-Unis. Mais, il y a un mais. Leur récente demande de naturalisation a révélé un problème: le partenariat ne serait pas valable en Suisse. Jusqu’à présent, aucune autorité ne le leur avait signalé; ils sont même taxés comme un couple marié. Aujourd’hui, ces Genevois de coeur cherchent à comprendre.

Max et Ivan se rencontrent en 2005 aux Etats-Unis, ils sont alors tous deux expatriés. L’un est Français, l’autre est Mexicain. Un an plus tard, ils scellent leur union via un partenariat enregistré, établi à Washington DC, capitale américaine. Puis le couple quitte les Etats-Unis pour différents pays avant de trouver la Suisse en 2013 pour y faire leur vie. Tout au long de ce chemin, le précieux partenariat enregistré leur ouvre les portes nécessaires pour les VISA, le rapprochement familial, une installation en terre helvétique, leurs différents permis et leur vaut le même régime fiscal qu’un couple marié. 

Mais au début de cette année, la situation prend une drôle de tournure. Tout bascule lorsque le couple se lance dans sa demande de naturalisation. «On nous a demandé de rassembler des papiers, dont un acte tiré du registre d'Etat Civil. On sollicite la mairie de Genève et là, on nous répond que notre partenariat n'est pas valable, ici, en Suisse», se souviennent Max et Ivan. 

Union non reconnue 

C'est la douche froide. L’Etat Civil de la Ville de Genève renvoie au service de haute surveillance de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), pour qui le document n’est pas valable. La raison invoquée: un partenariat homosexuel établi à Washington DC, n’est pas transposable en Suisse. Max et Ivan cherchent des explications. 

«On nous a dit que notre union ne valait rien chez nous en Suisse et que le dossier était d'ores et déjà clos. Alors là, je vous avoue que les bras m'en sont tombé! Déjà du résultat mais aussi de la manière dont on m'a parlé. Nous avons voulu aller plus loin» expose Max. 

S’en suivent de nombreux emails. L’Office cantonal de la population, l’Etat Civil de la Ville de Genève et même les conseillères d’Etat Carole-Anne Kast et Nathalie Fontanet sont mises dans la boucle. Depuis le mois de mars, la situation du couple n’a pourtant pas avancé. Elle devient même de plus en plus floue. Canton et Ville se renvoient la balle. Leur dossier part à Berne, à l’Office fédéral de l’Etat Civil, redescend à Genève sur le bureau de Mme Kast et repart vers la capitale sans plus d’explications sur le contenu des échanges. 

«On attend une réponse claire, même si ce n'est pas une réponse finale, pour savoir où on en est dans cette situation. Il y a des papiers que l'on doit continuer à donner... tout cela prend du temps et de l'argent» se désole Ivan. L’Etat ne commente pas les cas particuliers. Nous n’en saurons donc pas plus sur le contenu des discussions entre Berne et Genève. Cependant, on nous renvoie à l’avis de droit de l’institut Suisse de droit, sur la transcriptibilité des unions homosexuelles étrangères. «Et en vertu de cet avis, un Domestic partnership conclu à Washington DC ne produit pas les mêmes effets qu’un mariage et ne modifie pas l’état civil des partenaires» conclue l'OCPM, d'après la dernière version du document

À la recherche de l'origine du problème

Alors pourquoi toutes les autres instances ont-elles enregistrés Max et Ivan sous cet état civil-là ? L'absence de reconnaissance de cette union peut poser problème en cas de problèmes de santé ou de questions liées au patrimoine par exemple. Aussi, pourquoi Max et Ivan paient-ils leurs impots comme un couple marié aux yeux de l'Administration Fiscale Cantonale (AFC)? D’après le Département des Institutions et du Numérique, c’est parce qu’ils n’ont jusqu’à présent jamais eu affaire à l’autorité suprême en la matière: l’Office fédéral de l’Etat Civil (OFEC). 

Alors à qui la faute? Les institutions qui ont enregistrés Max et Ivan comme conjoints n’ont vraisemblablement jamais demandé à faire vérifier leur partenariat établi à Washington DC et personne ne semble en prendre la responsabilité. À Berne, l'OFEC nous répond en ces termes: «Nous ne pouvons pas commenter les activités des autorités cantonales des migrations». 

Vers une rétrocession des impôts?

Le surplus d’impôts payés pourrait-il leur être rétrocédé si Berne confirme l’invalidité du document ? L’AFC nous répond de manière générale qu'«une demande de révision en faveur du contribuable peut être prononcée lorsque des faits importants ou preuves concluantes sont découverts. L'article 56 de la LPfisc précise en outre que la demande de révision doit être déposée dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dans les 10 ans qui suivent la notification de la décision ou du prononcé». 

À notre connaissance, le dossier de Max et Ivan est toujours entre les mains de Berne. Au-delà du fait de voir leur union reconnue, Max et Ivan n’ont pour l’instant pas d’autre choix que de poursuivre leur demande de naturalisation séparément, en tant que célibataires. 

Réaction de Me Jacopo Ograbek