Genève

Pourtant expulsé à vie, un malfrat français reste en prison à Genève

25.06.2025 15h46 Laure Lugon Zugravu, Gilles Miélot

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Garder à Genève un braqueur français condamné à huit ans de prison coûte un million de francs à la collectivité. C’est ce que dénonce l’avocat d’un brigand qui s’est vu refuser par la justice son transfert en France aux fins de purger sa peine. Cela pose la question de la détention des condamnés expulsés du territoire suisse mais qui restent incarcérés dans notre pays.

Il rêve de purger sa peine en France mais dort à l’ombre à Genève. Braqueur récidiviste condamné à huit ans de prison, un Français de 38 ans, détenu à la Brenaz, a demandé à pouvoir exécuter le solde de sa détention dans son pays. Une demande refusée par l’Office fédéral de la justice (OFJ), après l’opposition du Ministère public genevois.

Fâchés, ses avocats Nicola Meier et Nastassia Oberson ont fait recours au Tribunal administratif fédéral, le 16 juin dernier, contre cette décision: «Elle est en premier lieu absurde pour la personne condamnée parce que le but d'une peine, ce n'est pas uniquement de punir, mais également de prévenir une récidive et donc de permettre la réinsertion, estime Nicola Meier. Et puis, lorsque vous avez été expulsé à vie du territoire, naturellement la réinsertion se fera à l'étranger.» Les avocats font valoir la Convention du Conseil de l’Europe que la Suisse a signée et qui vise à favoriser la réinsertion sociale dans le pays d’origine du détenu. Ils invoquent aussi l’éloignement du condamné de sa famille.

Faux problème, répond la justice: «Le Ministère public a estimé que les conditions d'un transfèrement n'étaient pas réalisées, car il n'apporterait aucun avantage en termes de réinsertion. Le condamné est en effet francophone et sa famille réside dans la région lyonnaise. Son cas ne diffère pas de ceux de nombreux condamnés français qui purgent une peine en Suisse.»

Il faut dire que l’homme n’en est pas à son coup d’essai. Il commet un premier braquage à mains armées en 2017, dans une bijouterie de la rue Verdaine. Il sera arrêté quelques jours plus tard, ainsi que ses deux comparses, à Anvers en Belgique avec le butin. Il écopera de six ans de réclusion et de 10 ans d’expulsion. Cela ne l’empêche en rien de recommencer en 2022, avec une arme, chez un horloger de la rue du Rhône. Le commerçant résiste, les braqueurs prennent la fuite, l’un d’entre eux est arrêté au terme d’une course poursuite, mais notre homme parvient à s’enfuir. Il sera interpellé quelques mois plus tard à un poste frontière. Et condamné cette fois pour tentative de brigandage aggravé, menaces, rupture de ban et infraction à la loi sur les armes.

La libération conditionnelle plus faovrable en France qu'en Suisse

Le mal du pays n’est probablement pas l’unique motif du braqueur pour préférer les geôles françaises aux cellules genevoises. Son espoir pourrait résider ailleurs: «Les personnes transférées sont soumises au régime d'exécution de l'État qui les accueille, explique le Ministère public. S'agissant de la France, tout détenu peut faire valoir une demande de libération conditionnelle à la moitié de sa peine contre deux tiers pour la Suisse.» Comme il reste au Français cinq ans et demi à purger, la différence en cas de libération conditionnelle n'est pas à dédaigner.

Pour son avocat, le refus de ce transfert en France pose une question plus large: «Vouloir à tout prix faire en sorte que ce détenu exécute sa peine à Genève va coûter au bas mot à peu près un million de francs aux contribuables. Un million, c'est probablement une dizaine de postes d'agents de détention supplémentaires. Ça peut même créer des postes de procureurs supplémentaires, ce qui permettrait d'accélérer parfois le traitement des procédures. Il y a évidemment de quoi faire et bien mieux faire avec ce que coûterait ce condamné s'il devait purger l'entier de sa peine à Genève.» Un argument balayé par le Ministère public: «La procédure de transfèrement n'a pas pour but de faire économiser des frais de détention à un État mais vise exclusivement à faciliter la réinsertion sociale d'un condamné.»

Épinglé par de récents rapports sur sa politique pénitentiaire, le canton souffre de surpopulation carcérale. Mais de tels cas ne sont pas fréquents. Depuis le 1er janvier 2024, le Ministère public n’a reçu que quatre demandes de transfèrement (deux refusées, une acceptée et une autre en cours de traitement). Au niveau suisse, 43 demandes de transfert à l’étranger ont été réalisées en 2024 sur demande de la personne condamnée.