PrimeEnergy: la justice refuse de défendre les petits épargnants
Les Ministères publics genevois et bâlois ne veulent pas instruire l’affaire et se renvoient la balle. En dernier ressort, le Tribunal pénal fédéral tranchera.
En Suisse romande, et plus particulièrement à Genève, des centaines de porteurs d’obligations de la société PrimeEnergy Cleantech attendent que la justice se mette enfin en marche. Spécialisée dans les énergies renouvelables, l’entreprise a fait faillite, laissant derrière elle des épargnants floués. Pourtant, les Ministères publics de Bâle-Campagne et de Genève refusent d’ouvrir une instruction. Chacun se renvoie la balle, a appris Léman Bleu.
Pris dans cette impasse judiciaire, le Ministère public genevois a saisi le Tribunal pénal fédéral, dans le cadre d’une procédure en fixation de for, confirmant ainsi qu’il refuse d’instruire l’affaire et demande à la plus haute instance pénale du pays de désigner le canton compétent. Aucun commentaire n’a été formulé quant aux raisons de ce refus.
Un bras de fer judiciaire qui choque les victimes
Me Robert Assaël défend une vingtaine d’épargnants ayant porté plainte pour escroquerie, abus de confiance et gestion déloyale. Pour lui, le refus genevois d’entrer en matière est incompréhensible: «C'est choquant d'assister à un ping-pong entre Bâle et Genève. L'un et l'autre disent: "je ne veux pas m'en occuper". Et en attendant, vous avez 500 plaintes à Genève et donc 500 lésés qui attendent que la justice se mette en marche. Et on leur dit, non, circulez, il n'y a rien à voir pour le moment.»
Ces chiffres sont partagés par la TaskForce des victimes, qui estime que 60% des plaignants sont domiciliés à Genève. Selon nos informations, plusieurs centaines de plaintes ont été déposées.
Pour Jérôme Fontana, membre de cette TaskForce, le signal envoyé est désastreux:
«Qu'est-ce que les gens comprennent de cette décision? C'est que, mesdames et messieurs, les petits épargnants, les victimes, nous ne voulons pas nous occuper de votre dossier. Et indirectement, c'est une invitation aussi à des personnes qui souhaiteraient commettre des choses délictueuses en Suisse. On leur dit: on ne veut pas s'occuper d'une affaire qui se chiffre aujourd'hui à plus de 150 millions de francs suisses.»
Le canton de Vaud en marge, mais concerné
Bien que 30% des victimes soient domiciliées dans le canton de Vaud, selon la TaskForce, le Ministère public vaudois a confirmé ne pas être impliqué dans la procédure de fixation de for.
«Le Tribunal pénal fédéral n’a pas considéré nécessaire d’inclure le Ministère public vaudois dans cette procédure de fixation de for. Selon notre compréhension, le for qui sera fixé par le TPF, soit à Bâle, soit à Genève, devrait faire foi pour l’ensemble des plaintes pénales vaudoises.»
À ce jour, 18 plaintes pénales ont été enregistrées dans le canton de Vaud. Là aussi, la procédure est suspendue dans l’attente d’une décision du Tribunal pénal fédéral.
Une décision attendue avant Pâques
Le Tribunal pénal fédéral pourrait se prononcer d’ici Pâques. Sa décision déterminera quel Ministère public devra obligatoirement instruire l’affaire, et si une enquête pénale sera ouverte sur les causes et les responsabilités de la faillite de PrimeEnergy Cleantech.
En attendant, les centaines de plaignants suisses et étrangers demeurent dans l’incertitude, faute de voir un parquet prendre la main sur ce dossier qui pèse, selon les estimations, plus de 150 millions de francs suisses.