«Quand la nuit est de mise»: à la rencontre des croupiers de Genève
Suite de notre série sur les métiers de la nuit. Plongée ce soir dans un monde à part, où la chance et le jeu sont maîtres avec à la manœuvre, les croupiers. Une vie à rebours du monde, les tables de jeu étant ouvertes de 19h à 4 ou 5h du matin, tous les jours. Pas d’horloge, ni de fenêtre: reportage, jusqu’au bout de la nuit.
Le rituel est obligatoire: montrer ses mains, face au plafond. Alicia Veysseyre vient de faire main blanche, soit prouver qu’elle n’a pas de jetons dans les mains. Les poches elles, sont de toute manière cousues. Alicia exerce depuis six ans ce métier de croupière, dans lequel elle est tombée par hasard alors qu’elle se cherchait professionnellement. Ce qu’elle préfère, c’est la roulette justement: «J’adore quand il y a beaucoup de jetons sur la table» explique la croupière.
La passion pour tenir
Au fond de la table, l’oeil affuté de Gilles Kremer surveille les jeux. Il est chef de table: «Mon rôle est de vérifier que les croupiers agissent conformément aux règles de la police des jeux. Je vérifie que les clients ne trichent pas, et je regarde les calculs effectués par les croupiers».
Pour exercer ce métier, il faut une formation, mais aussi et surtout, beaucoup de pratique. Le calcul doit être rapide, et la concentration maximale. Gilles Kremer est entré dans ce métier par amour du jeu. Sans savoir combien de temps il y resterait, le voilà toujours en place, 20 ans et de nombreuses anecdotes plus tard: «J’ai déjà vu des bagarres, ou encore des clients repartir avec de grosses sommes en ayant mis 50 chf. sur la table au départ».
Mais beaucoup de croupiers arrêtent au bout de quelques années. Le travail est à 100% de nuit: «Il faut de la passion, sinon on ne tient pas !» lance Alicia. Pour beaucoup de croupiers, la vie de couple se forme au travail. Gilles est jeune papa: «Je suis avec une femme qui fait le même métier que moi, cela a été facile pour la coordination. Mais avec le bébé, il faudra voir si je peux continuer».
«Comment gagner au casino ?»
Un trentaine de croupiers et croupières se relaient au Casino du Lac. La plupart d’entre eux sont avant tout des passionnés de jeu. Mais dès qu’ils y travaillent, impossible de jouer au casino de Genève, ni même dans les casinos du groupe. Une question leur revient toutefois: «-Comment faire pour gagner au casino ?- Mes amis me demandent tout le temps cela. Si je le savais, je ne travaillerais pas et je jouerais» sourit la croupière.
Au delà de la blague, le rapport à l’argent est un enjeu important de ce métier: «Au début, c’était dur de prendre 1’000 ou 2’000 chf. à un client. Et puis on s’habitue…» signale Gilles Kremer. Fait étonnant, de nombreux jeunes sont aux tables ce vendredi soir, «comme souvent» explique le suppléant au directeur des jeux traditionnels Danilo Bertini. Des jeunes tentés aussi par le jeu en ligne, qui s’est fortement développé ces dernières années. Le métier de croupier serait en danger: «je ne dis pas que cela va disparaître, mais la clientèle a diminué oui.»
Reste encore, la magie du casino. Ces gestes effectués avec talent et précision. Et le son, de la chance, qui est peut être en train de tourner…