Genève

«Robert Badinter, c’était le plaisir aristocratique de déplaire»

12.02.2024 19h05 Denis PALMA

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Marc Bonnant, Saskia Ditisheim et Lionel Halpérin évoquent le père abolitionniste de la peine de mort en France, qui s'est éteint vendredi dernier à l'âge de 95 ans. 

Fidélité, droiture, indignation, respect des droits humains, lutte contre l’injustice. Voici quelques traits de caractère qu’attribuent trois avocats genevois à l’ancien garde des sceaux français sous la présidence de François Mitterrand qui restera comme celui qui mit fin en 1981 en France à la peine de mort.

Robert Badinter, c'était le courage de l'affrontement»

Marc Bonnant, ancien bâtonnier, se remémore un homme exceptionnel, orateur de talent et avocat faiseur de cause. «La plupart des avocats lorsqu’ils sont caressés par la chance et peut-être un peu de talent ont des dossiers. Lui en faisait des causes. Il les hissait, il les sublimait avec beaucoup de courage. Parce qu’être Robert Badinter ce n’est pas simplement avoir du talent. C’est aussi avoir du courage. Courage de la vie, de l’affrontement, le plaisir aristocratique de déplaire.»

Un rôle de consultant pendant la Constituante

En février 2010, Lionel Halpérin présidait la commission des institutions de l’assemblée constituante. L’avocat avait alors fait venir Robert Badinter, ami de son Père Michel, pour apporter son expertise. Par fidélité, il accepta. « Lui-même découvrait le système de la justice suisse qui est très différent du français. Il y a eu deux réactions qui me reviennent à l’esprit. La première, lorsque nous lui avons expliqué que les juges étaient membres de partis politiques et devaient être élus, cela l’a énormément surpris. » Lionel Halpérin.

«Un étonnement presque enfantin de se dire Indignez-vous!»

Sashia Ditisheim a également été profondément marquée par l’ancien ministre de la justice qui n’hésita pas à appuyer, encourager son combat pour la dépénalisation de l’homosexualité au Cameroun. «Ce que je garde en mémoire, c’était son étonnement presque enfantin de se dire, le monde est injuste, raconte l’avocate. Comment se fait-il que les gens n’arrivent pas à s’indigner. Et si j’ai un message à faire passer, c’est bien celui-ci : indignez-vous ! C’est le message qu’il m’a toujours répété et que je garderai toujours en moi.»

La vie de Robert Badinter fut jalonnée de combats pour le respect des droits humains et contre l’injustice. Des combats qu’il mena de front jusqu’à la fin sans compromis.