Succession d'Antonio Hodgers: la droite joue au mikado
La succession d’Antonio Hodgers au Conseil d’État devrait donner des ailes à la droite. En réalité, elle la paralyse. Depuis l’annonce de la candidature de Lionel Dugerdil, président de l’UDC genevoise, les autres partis de droite hyperventilent. Car une alliance élargie ne va pas de soi.
Les partis de droite savent que pour gagner, il faut partir ensemble. Les élections fédérales et cantonales de 2023 l’ont prouvé, tout comme les municipales, où la désunion en Ville a valu un échec au PLR. Ils savent aussi qu’il est temps de payer sa dette envers l’UDC. Mais en même temps, certaines sensibilités s’y refusent. Et la stratégie des uns dépend de celle des autres, sans compter les agendas individuels qui viennent compliquer la donne.
Le PLR définira sa stratégie au comité directeur la semaine prochaine. Peu légitime à revendiquer un troisième siège, il pourrait tout de même lancer quelqu’un en manière de tour de chauffe pour 2028. Puis faire bloc autour d’un candidat unique au deuxième tour. Certains poids lourds du parti plaident cependant pour la rigueur stratégique dès le début: «Je pense qu'il faut une candidature unique dès le premier tour, estime Natacha Buffet-Desfayes, cheffe de groupe au Grand Conseil. C'est le seul moyen de faire gagner la droite et de ne pas avoir à discuter entre les deux tours à d'éventuelles stratégies et nouvelles alliances qui seraient évidemment compliquées. Dès le moment où toute la droite est unie derrière une candidature, qu'elle soit UDC ou qu'elle soit d'un autre parti, on pense qu'il faut pouvoir soutenir cette candidature.»
Le dilemme des valeurs
Le PLR sera-t-il entendu par le Centre? Si ses résultats médiocres du Centre au Grand Conseil devraient l’inciter à ne lancer personne, pas sûr qu'il se range derrière un candidat de la droite dure, même si Delphine Bachmann doit son élection à l’alliance élargie. Question de valeurs, fait régulièrement valoir le Centre. Une excuse pratique, puisque ces fameuses valeurs lui permettent de refuser l’alliance quand elles ne le servent pas et de les oublier lorsqu’elles l’arrangent. C’est un peu ce que rappelle le conseiller national et vice-président du Centre Suisse, Vincent Maitre, qui appelle à se ranger derrière une candidature unique au second tour. Et en dépit de ces fameuses valeurs: «Il y a une question de pragmatisme et de réalité en politique pour faire valoir ces valeurs. Mais d’abord il faut être élu, il faut avoir des sièges. Sans siège, sans élu dans les parlements ou dans les exécutifs, ces valeurs, cette ligne politique et ces projets politiques, on ne peut tout simplement pas les faire valoir parce qu'on n'a pas droit au chapitre.»
Les Vert’libéraux, eux, ne transigeront pas: soutenir l’UDC, c’est non. À la poursuite de son idéal de bloc centriste, cette formation pourrait tout de même proposer un candidat: «Les Vert’libéraux vont réfléchir si le Centre ne le fait pas, parce qu'aujourd'hui on a deux candidats des spectres extrêmes, estime Aurélien Barakat, président des Vert’libéraux genevois. On ne pense pas que ce sont forcément les meilleures personnes pour prendre ce département, si c'est ce département aussi sensible. Est-ce que la droite, toute la droite, veut vraiment que l'UDC siège? Ce n'est pas sûr. Il y a une droite économique, je crois, qui ne serait pas très à l'aise. Et la deuxième chose, c'est qu'on a déjà vu l'UDC essayer seule contre la gauche, notamment au Conseil des États, et elle a échoué. C'est la gauche qui l'a emporté.
Mauro Poggia est sorti en tête, mais c'était Mauro Poggia. Et donc, est-ce que vraiment c'est la stratégie gagnante pour la droite ? Ce n'est pas sûr.» Pour l’instant, il n’y en a pas. Ce qui est la meilleure garantie pour un siège vert.