Un avocat genevois accusé d'usure par des sans-papiers
Un avocat genevois est accusé d’avoir pratiqué des tarifs usuriers, et multiplié les recours voués à l’échec ou autres procédures inutiles: plusieurs sans-papiers ont décidé de porter plainte. Ils accusent leur avocat d’avoir profité de leur vulnérabilité.
Merita* a 21 ans, elle vient du Kosovo. Il y a quatre ans, elle rejoint son père en Suisse avec sa mère et ses frères et sœurs. La famille souhaite obtenir un titre de séjour. Tous les avocats qu’ils consultent leur expliquent qu’ils ne remplissent pas les conditions pour décrocher un permis…sauf un: «Il a dit que notre dossier était faible, mais qu’on allait le construire, qu’on allait faire le possible pour avoir le permis. Il nous a expliqué qu’avec lui on peut obtenir un titre de séjour, il nous a fait croire ça. Il nous a dit qu’il avait perdu en tout un seul dossier de demande de permis» se souvient la jeune femme. La famille décide donc de lui confier leur demande de régularisation.
Une multiplication de procédures infructueuses
Julien Repond connaît bien cette histoire: c’est lui qui a reçu au SIT Ramiz*, le père de Merita, après plusieurs années de procédures infructueuses avec l’avocat en question. «Ce que l’avocat a fait, c’est que juste après l’arrivée de Merita et sa famille en Suisse, il a demandé un regroupement familial avec le papa. Mais comme Ramiz n’avait pas de titre de séjour, ça ne fait aucun sens. En plus de ça évidemment ça n’a pas fonctionné donc il a fait recours au tribunal administratif, puis à la chambre en deuxième instance, avant de faire recours au Tribunal fédéral. Mais ce recours a été jugé irrecevable» détaille le secrétaire syndical migrations au SIT.
«On se demande si cette personne n’a pas fait ça pour gagner de l’argent»
Au total, l’avocat facture plus de 50'000 francs d’honoraires à la famille. Pour les payer, Ramiz demande des avances sur salaire à son employeur, et la famille s’endette. Julien Repond juge les démarches de l’avocat inexplicables: «Quand on voit le nombre d’actions entreprises, la multiplication des courriers et le sens que ça a dans ce type de procédure, on se demande si cette personne n’a pas fait ça plus pour gagner de l’argent que pour permettre d’obtenir un permis à cette famille» tance le secrétaire syndical.
Une famille encore plus précaire
Merita est amère. Elle travaille bien à l’école, a de bonnes notes, mais la situation de sa famille est aujourd’hui encore plus précaire qu’avant: «Nous avons perdu toutes les chances qu’on a parce que maintenant, si on dépose une demande, on ne remplit plus les conditions. Quand on pose une demande, il faut que ce soit la première fois qu’on dépose une demande. Or nous, ce ne sera pas la première fois ce sera la deuxième» regrette la jeune femme.
Maître François Canonica représente l’avocat incriminé. Il répond que son client a entrepris des démarches légitimes, et que leur exécution était connue des plaignants. Il critique aussi l’action du SIT, qui se comporte selon lui en «inspecteur des travaux finis». Il rappelle que son client bénéficie de la présomption d’innocence.
Une plainte a été déposée pour usure, l’affaire est désormais entre les mains du Ministère public.
*prénoms fictifs