Un prédicateur laïc poursuivi pour la mort d'une femme diabétique
Le procès d'un prédicateur laïc s'est tenu lundi devant le Tribunal correctionnel de Genève. Ce chrétien est poursuivi pour meurtre par dol éventuel, voire homicide par négligence. Une femme diabétique est morte peu après avoir participé à une de ses retraites spirituelles et de guérison.
Agée de 73 ans, la croyante est décédée d'une décompensation diabétique dans la nuit du 7 au 8 août 2023, après avoir refusé que son mari appelle une ambulance. Convaincue d'être guérie par la puissance divine, elle avait arrêté son traitement et le régime alimentaire ad hoc durant la retraite. Le Ministère public considère que l'accusé l'a influencée.
Cet Indien de 59 ans, rompu à l'enseignement de la parole biblique, s'est montré réservé devant la Cour, se disant confus après quatorze mois de détention provisoire. Faisant valoir son droit au silence, il a parfois répondu - en anglais - aux questions insistantes de la présidente. "La guérison est un processus qui commence par le spirituel et aboutit au physique", a-t-il expliqué, tout en affirmant croire en la médecine.
Une seule témoin a été entendue. Cette connaissance de la défunte, croyante elle aussi, a évoqué une femme qui "s'extasiait facilement" et qui était très heureuse d'être "complètement guérie du diabète", comme elle l'avait écrit dans un message, en indiquant qu'elle n'avait plus de symptômes. Plusieurs mois avant la retraite, cette "personnalité forte" lui avait dit vouloir "guérir ou mourir".
"Un manipulateur"
"La question de la naïveté de la défunte n'exonère pas le prévenu. Elle faire partie de son modus operandi", a déclaré le procureur Pierre Bayenet. A ses yeux, le prédicateur est un manipulateur qui met en scène la guérison dans des rituels où "la formule magique prend la place de la foi" et où les fidèles sont contraints de dire qu'ils sont guéris pour ne pas aller "contre la parole de Dieu".
Les malades qui ont envie de croire aux miracles tombent dans "ce piège". D'autant plus que la retraite genevoise était validée par l'Eglise catholique romaine. Mais l'accusé a usurpé l'autorité religieuse dans la mesure où l'accord de l'évêque portait sur son enseignement mais pas sur l'imposition des mains, signe de guérison, a relevé le procureur.
La septuagénaire, qui suivait auparavant son traitement de manière très rigoureuse, était convaincue d'être guérie. Dans un entretien en dehors des sessions filmées et qu'il nie avoir eu, le prédicateur lui a dit d'imaginer le chiffre qu'elle voulait voir sur son glucomètre, a soutenu M. Bayenet.
Le procureur estime que le prévenu s'est accommodé du fait qu'elle allait mourir en cessant ses injections d'insuline. Il a requis une peine de prison de sept ans et demi pour meurtre par dol éventuel. A défaut, l'homme qui s'est présenté comme une autorité religieuse doit être déclaré coupable d'homicide par négligence et condamné à deux ans de prison avec sursis.
"Pas de lien de causalité"
"Le lien de causalité entre l'acte et le résultat est totalement absent", a déclaré l'avocate de la défense Shayan Farhad, plaidant l'acquittement. Selon elle, la septuagénaire a arraché son capteur de glycémie le quatrième jour de la retraite au plus tard. Or elle n'avait eu qu'une seule session avec le prévenu lors de laquelle elle a parlé d'autres problèmes de santé.
"Il ne dit pas aux personnes qu'il guérit, mais il leur apprend comment prier. La guérison vient de l'enseignement, c'est un processus", a expliqué l'avocate. Pour son client, "médecine et foi se conjuguent en parallèle". Cet homme, qui n'incite pas à arrêter un traitement, n'a appris que la croyante avait cessé le sien qu'après son décès.
Pour Me Farhad, l'état d'esprit de cette femme, qui avait déjà arrêté les injections en 2019, a pu être influencé par des participants à la retraite. Considérant avoir affaire à une nouvelle "lubie", sa fille l'a félicitée d'être guérie. "Mon client ne l'a pas convaincue. Elle a refusé de prendre ses médicaments", a souligné l'avocate. Le verdict sera rendu mardi à 17h30.