Genève

Une nouvelle affaire de copinage secoue Carole-Anne Kast

03.10.2024 18h00 Jérémy Seydoux, Denis Palma

La conseillère d'État Carole-Anne Kast présidente le département des institutions et du numérique (DIN). (KEYSTONE/Martial Trezzini) La conseillère d'État Carole-Anne Kast préside le département des institutions et du numérique (DIN). (KEYSTONE/Martial Trezzini)

Pour pallier l’absence d’un directeur absent depuis près de deux ans, Carole-Anne Kast recrute l’un de ses proches sans mettre le poste au concours. Cet ancien élu PS, n'ayant ni expérience à l’État, ni compétence en droit, se retrouve chef au sein d’un service aussi sensible que juridique, révèle Léman Bleu. Le département considère que tout est en règle. 

La République bruisse à nouveau dans ce qui ressemble à un nouvel épisode de la saga du copinage à l’État. Un proche de la ministre socialiste Carole-Anne Kast vient d’être nommé chef au sein de l’important Service des affaires communales (Safco). L’homme, âgé de 62 ans, a aussi fait partie de ses fidèles soutiens de campagne. 

Ce lien de proximité suscite le malaise jusque dans les rangs du Parti socialiste. L’intéressé s’est d’ailleurs rendu, à l’étonnement général, à la buvette du Grand Conseil lors de la dernière session parlementaire pour annoncer sa récente nomination aux députés. «Carole-Anne est venue me chercher», a-t-il notamment confié à plusieurs témoins interrogés par Léman Bleu. 

Embarras au PS

Des ténors socialistes contactés ne cachent pas leur embarras, voire leur incompréhension. Tous évoquent «une énorme maladresse» de leur magistrate. Un élu lâche le mot «copinage». 

Qu’en est-il? Joint par téléphone, celui qui occupe actuellement le bureau du directeur absent pour maladie longue durée nous confirme le «remplacer momentanément». Jusqu’à quand? Difficile de le savoir. Peut-être un an, peut-être plus.

«Cadre légal respecté»

Pourquoi ce recrutement express? Laurent Paoliello, porte-parole du département des institutions et du numérique (DIN), nous indique que le cadre légal a été respecté, étant donné que le statut de la nouvelle recrue est celui d’auxiliaire de l’État, un contrat provisoire ne nécessitant pas de mise au concours du poste. 

Selon nos informations, l’homme a d’abord postulé pour un très haut poste vacant au sein du même département, sans être retenu. C’est à ce moment qu’il a été redirigé vers le service dont il assure aujourd’hui inofficiellement la direction. 

Concrètement, le nouveau collaborateur exerce en qualité de «chef de secteur» en soutien des équipes du service, mises sous pression par plusieurs absences.

Haute surveillance des communes

Cet office sensible et très juridique, chargé du lien entre communes et canton, examine notamment la conformité légale des décisions prises par les autorités municipales et assure, entre autres, la haute surveillance des magistrats communaux, en traitant si nécessaire les procédures disciplinaires. 

Quid des compétences? Selon les spécialistes interrogés, travailler dans ce service implique une maîtrise des ressorts de l’administration et de solides compétences en droit, voire un brevet d’avocat. Cela était par exemple le cas des directeurs précédents. 

Aucune compétence en droit

Or, l’heureux élu est au bénéfice d’un parcours d’informaticien, notamment comme cadre IT dans le secteur bancaire, banque qu’il a quittée en 2018, avant une longue période de chômage. 

L’homme n’a jamais travaillé pour l’État, ni ne possède aucun diplôme en droit. Son expérience publique se limite à deux mandats de conseiller municipal d’une grande commune ainsi qu’un passage au sein du conseil d’administration d’une régie publique, comme représentant de son parti. 

Le fossé entre les prérequis pour le poste et le profil professionnel du cadre recruté semble béant. Mais au département, on s’échine à vanter ses compétences et son expérience managériale. 

L’affaire de trop ?

Ce recrutement controversé s’inscrit dans un contexte particulièrement sensible, alors que plusieurs nominations ont remué la République ces derniers mois. 

Sollicité, le président du Parti socialiste Thomas Wenger se refuse pour le moment à tout commentaire. Il précise néanmoins que l’homme n’est plus membre du PS. Ce dernier a en effet quitté le parti il y a quelques mois, après avoir essuyé un revers devant l’assemblée générale de sa section communale qui n’a pas voulu de lui comme candidat à la Mairie.