«Une nuit pour la vie»: reportage avec les sages-femmes des HUG
Troisième épisode de notre série sur les métiers de la nuit. Direction cette fois la maternité des HUG pour y voir le travail des sages-femmes. Elles sont plus de 200 aux Hôpitaux Universitaires, pour suivre chaque année les naissances de plus de 4’000 bébés, mais aussi accompagner les parents dans le deuil péri-natal.
Il est 19h05 tapantes au secteur des accouchements de la maternité des HUG. Les soignants du jour et ceux de la nuit se passent le relais. Le tableau des salles est plein ce soir là. Six femmes devraient accoucher, voire plus: «La nuit, nous pouvons prendre des accouchements déclenchés qui n’ont pas pu être faits dans la journée. Et nous sommes aussi dépendantes des urgences» explique la sage-femme référente pour la nuit, Beatriz Serra.
Une des futures mamans de la nuit s’appelle Anna. Son troisième enfant va bientôt pointer le bout de son nez. Alors que le bébé est presque là, la patiente doit se faire poser la péridurale. Mais du fait d’une scoliose, l’anesthésiste rencontre des difficultés. Il doit faire appel au responsable. Alyssia Darras, sage-femme depuis une année aux HUG, accompagne la patiente dans ce moment: «Elle ne veut pas pousser sans péridurale, donc nous l’aidons à passer ce moment». Les sages-femmes ne cessent d’encourager la future maman. Une fois posée, la péridurale déploiera bientôt ses effets.
La nuit, un moment à part avec les mamans
Un étage au dessus, bien loin de l’agitation des accouchements, le silence est roi au secteur post-partum. Les sages-femmes effectuent leur tournée auprès de toutes les mamans: «C’est très intense. Les mamans peuvent être désemparées car elles se retrouvent seule la nuit» explique Laura Foglietta, sage-femme. Ce soir là, Gaëlle Arambide est aussi de service, comme presque toutes les nuits. Elle effectue elle aussi son tour des mamans. Un bébé doit être transféré en néonatalogie à cause d’une jaunisse, pour un traitement plus poussé de photothérapie. La sage-femme est aux HUG depuis 1999. Pour elle, la nuit est un moment à part: «Il n’y a pas le personnel administratif, ni les physio ou autres corps de métier. On est nous, sages-femmes, avec les mamans. L’entraide est meilleure je trouve» sourit la sage-femme.
Un constat partagé par Mélanie Cartal, sage-femme au service pré-natal: «C’est plus cocooning, les femmes se confient davantage la nuit». Elle va visiter ce soir Natacha, une patiente enceinte de jumeaux. L’un d’eux est en moins bonne forme. La patiente a déjà effectué un séjour d’un mois à l’hôpital. Ce jour, elle a perdu un peu de sang. Mélanie Cartal réalise les contrôles. Elle en profite pour vérifier les coeurs des bébés. Natacha est enceinte de 33 semaines. Elle devrait accoucher la semaine suivante par césarienne. Le contact avec sa sage-femme est précieux pour elle: «Elle me rassure et me fait rire aussi parfois» sourit la future maman.
Accompagner le deuil péri-natal
Mélanie fait son tour des chambre. Sur certaines portes, on peut y voir de petits papillons. Ils sont là pour signaler les mamans qui ont vécu un deuil péri-natal. Aux HUG, sur plus de 4’000 accouchements par année, 140 à 160 bébés ne vivront pas, suite à une interruption de grossesse, une malformation, ou un décès in utero. Les sages-femmes doivent aussi accompagner ces moments: «Nous faisons tout pour rendre ce moment difficile un peu plus doux. C’est une gymnastique pour jongler entre tout cela dans le service pré-natal, mais ça se fait !» glisse Mélanie.
Beatriz Serra est sage-femme depuis 27 ans. Elle a connu toutes les émotions dans ce métier. Mais sa passion reste intacte: «pour moi chaque accouchement est magique. Je me sens privilégiée d’être là pour ces moments là». Elle prépare les tables de réanimation pour les accouchements réalisés par césarienne. 23% des naissances se font pas cette voie, contre 33% au niveau national.
Béatriz est ce soir là référente. Elle est donc présente pour tous les accouchements. Alyssia vient de l’appeler, car l’arrivée du bébé de notre première patiente, Anna, est imminente. Les premières poussées commencent. Quelques minutes plus tard la petite Elena vient de faire son entrée dans notre monde. Les sages femmes continueront leur accompagnement avec d’autres mamans. Elena elle, finira par s’endormir, sous les étoiles d’une nuit d’automne.